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Une bousculade a fait au moins 85 morts et des centaines de blessés jeudi au Yémen lors d'une action caritative, une nouvelle tragédie frappant ce pays pauvre au moment où il espérait tourner la page d'une guerre dévastatrice.
La catastrophe est survenue dans la nuit à Sanaa, la capitale du Yémen aux mains des rebelles, où des centaines de personnes s'étaient rassemblées dans une école de la vieille ville pour recevoir une aide de 5.000 riyals, environ huit dollars, distribuée par un commerçant.
Cette somme représente l'équivalent d'un repas pour une famille, dans l'un des pays les pauvres du monde arabe, confronté de surcroît à une inflation galopante. Les rues de Sanaa sont d'ailleurs moins bondés que les années précédentes en cette période de l'Aïd al-Fitr, qui marque la fin du mois de jeûne musulman du ramadan.
"Les gens se sont bousculés, les uns sur les autres, et ma tête a cogné un mur", raconte à l'AFP Alaa Saïd, un résident de Sanaa de 28 ans qui figure parmi les blessés légers. "J'étais parmi ceux qui étaient au bout d'une foule immense et on a entendu des cris venir de devant", confie Nabil Ahmed, un autre rescapé âgé de 23 ans.
Des images diffusées par Al-Massira, la chaîne de télévision des rebelles, montrent une foule dense et des personnes grimpant les unes sur les autres pour tenter de se frayer un chemin.
Certains se débattent, alors que des gardes en tenue militaire tentent de les pousser dans la direction opposée.
Dans une autre vidéo, des corps gisent sur le sol, dans la panique générale.
Certains témoins affirment que des coups de feu ont provoqué le mouvement de foule, ce qui n'a pas pu être vérifié de manière indépendante par l'AFP.
- Espoir de paix -
Sur place, les journalistes n'ont pas eu accès au lieux de l'accident, bouclés par les services de sécurité des rebelles. Des vêtements déchirés et des chaussures écrasées jonchent encore les rues étroites dans les alentours.
"Au moins 85 personnes ont été tuées, et plus de 322 ont été blessées", a affirmé à l'AFP un responsable houthi de la sécurité à Sanaa, un bilan confirmé par des autorités médicales locales.
"Des enfants figurent parmi les personnes décédées" et une cinquantaine de blessés se trouvent dans un état grave, selon le responsable houthi ayant requis l'anonymat, n'étant pas autorisé à parler aux médias.
Ce drame a endeuillé le Yémen au moment où ses quelque 30 millions d'habitants espéraient sortir enfin de la guerre. Les Houthis, proches de l'Iran, ont pris la capitale en 2014, provoquant l'intervention quelques mois plus tard d'une coalition militaire, dirigée par l'Arabie saoudite, pour soutenir les forces gouvernementales.
La guerre a fait des centaines de milliers de morts et provoqué l'une des pires crises humanitaires au monde. Les efforts visant à mettre fin au conflit se sont intensifiés ces dernières semaines, sur fond de réchauffement des relations entre l'Arabie saoudite et l'Iran.
L'émissaire de l'ONU pour le Yémen, Hans Grundberg, s'est dit "profondément attristé par la tragique bousculade".
Ce "drame" rappelle "l'urgence de mettre fin (...) à la crise humanitaire (...) en réglant le conflit", a de son côté réagi le ministère français des Affaires étrangères.
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont aussi exprimé leurs condoléances.
- Succession de tragédies -
Les autorités de Sanaa ont attribué la catastrophe à "l'excès de monde" dans la rue étroite menant à l'école. "Quand les portes ont ouvert, la foule s'est précipitée dans les escaliers menant à la cour d'école", a écrit sur Twitter Mohammed Ali al-Houthi, haut responsable des rebelles.
Ces derniers ont annoncé l'ouverture d'une enquête. Trois commerçants ont déjà été "interpellés", a précisé un responsable houthi à l'AFP.
Selon un témoin interrogé par les Houthis, les citoyens avaient "été informés il y a près d'une semaine que de l'argent serait distribué sans conditions".
Cette bousculade figure parmi les mouvements de foule les plus meurtriers dans le monde depuis dix ans, selon un décompte de l'AFP.
Elle vient s'ajouter à un contexte d'épidémies, de manque d'eau potable et de faim aiguë, avec plus des trois quarts de la population dépendant d'une aide internationale qui ne cesse pourtant de diminuer.
Dans les zones contrôlées par les rebelles, dont la capitale, de nombreux fonctionnaires n'ont pas été payés depuis des mois.
Le pays a connu son lot de tragédies ces dernières années, notamment avec des raids de la coalition qui ont tué des dizaines de civils. Et en 2022, 45 migrants avaient péri dans l'incendie d'un centre contrôlé par les rebelles.