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Le gouvernement brésilien resserrait son étau autour des participants, organisateurs et financeurs des émeutes de dimanche à Brasilia, qui ont poussé Lula à "profondément réorganiser" sa sécurité au Palais présidentiel.
"Je suis convaincu que la porte du palais du Planalto a été ouverte pour que les gens puissent entrer, car aucune porte n'a été cassée", a déclaré jeudi le dirigeant de gauche lors de son premier petit-déjeuner avec des journalistes depuis son investiture le 1er janvier.
"Cela signifie que quelqu'un a facilité leur entrée ici", a insisté Luiz Inacio Lula da Silva. "Comment pourrais-je avoir quelqu'un à la porte de mon bureau qui pourrait me tirer dessus?" a-t-il demandé.
Plus de 4.000 partisans de l'ancien président d'extrême droite Jair Bolsonaro, qui refusent sa défaite électorale de fin octobre face à Lula, ont semé le chaos dimanche dans la capitale, envahissant et saccageant le Palais présidentiel, la Cour suprême et le Congrès.
Quelque 2.000 personnes ont été interpellées et plus de 1.100 ont été incarcérées après avoir été interrogées, selon le dernier bilan des autorités.
"Le mouvement pro-Bolsonaro est sous pression et n'a pas le degré d'organisation nécessaire pour une contre-offensive", a estimé le sociologue Geraldo Monteiro, co-auteur d'un ouvrage sur le bolsonarisme.
Et l'étau continue de se resserrer, de nombreux émeutiers étant identifiés grâce aux caméras de surveillance, aux images de la presse ou aux selfies qu'ils ont publiés sur les réseaux sociaux.
Mais la priorité des autorités est désormais de sanctionner les réseaux qui ont oeuvré en coulisse pour financer et organiser l'insurrection.
- 1,2 million d'euros de dégâts -
Jeudi, le bureau de l'Avocat-général de l'Union (AGU), qui défend les intérêts de l'Etat fédéral, a demandé à la justice de Brasilia le gel de 6,5 millions de réais (environ 1,2 million d'euros) de 52 personnes et sept entreprises accusées d'avoir financé le transport d'émeutiers dans une centaine d'autocars arrivés de tout le pays samedi soir.
Selon plusieurs médias brésiliens, un grand nombre de financeurs présumés seraient liés au secteur de l'agronégoce, soutien fidèle de Jair Bolsonaro.
Le patrimoine national a subi des dégâts considérables, des bureaux ont été saccagés et des oeuvres d'art détruites.
Rien que pour les deux chambres du Congrès, ils s'élèvent à plus d'un million d'euros, selon les premières estimations rendues publiques par le gouvernement.
L'Institut brésilien du patrimoine historique et artistique a présenté jeudi un premier rapport d'évaluation des dégâts, faisant état notamment d'un tapis imbibé d'urine et d'une tapisserie de l'artiste brésilien Roberto Burle Marx.
"A partir de maintenant, nous allons être plus durs, parce que ce qui s'est passé (ce) week-end ne doit pas se reproduire", a déclaré Lula, annonçant également "un remaniement" du personnel travaillant pour le compte de la présidence.
"Le palais était rempli de pro-Bolsonaro, de militaires", a-t-il déclaré, entendant les remplacer par "des fonctionnaires de carrière, de préférence civils".
Le juge de la Cour suprême Alexandre de Moraes a ordonné mardi l'arrestation de Fabio Augusto, le commandant de la police militaire à Brasilia et de Anderson Torres, ex-ministre de la Justice du leader d'extrême droite et secrétaire à la sécurité de la capitale au moment des émeutes.
- Appels à l'expulsion -
M. Torres devrait arriver vendredi au Brésil en provenance des États-Unis. Les preuves à son encontre devraient s'alourdir, la police ayant trouvé à son domicile une proposition de décret visant à intervenir auprès du Tribunal supérieur électoral et à inverser ainsi le résultat de l'élection présidentielle d'octobre.
M. Torres a affirmé que les procès-verbaux ont été publiés "hors contexte" et a plaidé son innocence au sujet de ces documents.
Jeudi, Lula a multiplié les réunions avec ses ministres, dans un souci apparent de retour à la normalité après le choc de cet attentat sans précédent contre la démocratie brésilienne depuis l'instauration de la dictature militaire (1964-1985).
Aux Etats-Unis, des élus démocrates ont appelé à ce que le président Joe Biden révoque le visa de l'ex-président brésilien, qui se trouve en Floride (sud), refusant que les Etats-Unis servent de refuge à l'ancien dirigeant.
"Nous ne devons pas permettre à M. Bolsonaro ou à tout autre ancien responsable brésilien de trouver refuge aux Etats-Unis afin d'échapper à la justice pour tout éventuel crime commis durant son mandat", écrivent ces 41 élus dans une lettre ouverte au président Biden rendue publique jeudi.
Ils appellent, par ailleurs, le gouvernement américain à "coopérer pleinement à toute enquête du gouvernement brésilien" et à vérifier le statut légal aux Etats-Unis de l'ancien président, arrivé sur le territoire américain en tant que chef d'Etat.
Son séjour en Floride place les Etats-Unis sous une lumière relativement embarrassante, évoquant notamment de précédents accueils de dirigeants latino-américains controversés.
Interrogé mercredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a déclaré que les Etats-Unis n'avaient reçu aucune demande du Brésil à propos de Jair Bolsonaro, mais qu'il traiterait une telle requête "rapidement".