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Des supplétifs de l'armée au Burkina Faso ont été accusés d'avoir tué 28 personnes dans le nord-ouest la veille du Nouvel An, un massacre qui fait craindre un cycle de représailles entre communautés dans ce pays meurtri par la violence jihadiste depuis 2015.
Le gouvernement a annoncé lundi soir avoir "été informé d’un drame survenu à Nouna, chef-lieu de la province de la Kossi, dans la nuit du 30 au 31 décembre", précisant que les premières informations "font état de 28 personnes tuées".
Le Collectif contre l’Impunité et la stigmatisation des communautés (CISC), organisation de défense des droits humains, a dénoncé "des exactions" commises par des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), supplétifs de l'armée.
Le gouvernement a indiqué qu'une enquête avait été ouverte "pour élucider les circonstances du drame et situer toutes les responsabilités" et a appelé "l’ensemble de la population au calme" en attendant que "toute la lumière" soit faite "sur ces violences inacceptables".
Un communiqué du procureur de Nouna, Armel Sama, a précisé "que la plupart des victimes, toutes de sexe masculin, ont été tuées par balles".
"Ce drame se produit à un moment où le Burkina Faso a engagé une opération de mobilisation de l’ensemble du peuple pour une unité d’actions dans la lutte contre le terrorisme", a noté le porte-parole du gouvernement, Jean Emmanuel Ouédraogo.
Le Burkina Faso est confronté depuis 2015 aux attaques de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et à l'Etat islamique qui se multiplient. Elles ont fait des milliers de morts et au moins deux millions de déplacés et sont en partie à l'origine de deux coups d'Etat militaires en 2022.
Le pouvoir issu du dernier putsch du 30 septembre mené par le capitaine Ibrahim Traoré a lancé fin 2022 une campagne de recrutement de nouveaux supplétifs pour aider l'armée dans sa lutte contre les jihadistes. Sur des besoins estimés à 50.000, 90.000 personnes se sont inscrites.
Le gouvernement a rappelé être "fondamentalement opposé à toutes formes d'exactions ou de violations de droits humains pour quelques motifs que ce soit".
- "Délit de faciès" -
Selon le CISC, "des civils armés se revendiquant être" des VDP se livrent "librement à des pillages organisés et à des exactions ciblées sur des populations civiles sur un fond de délit de faciès et de stigmatisation".
Samedi, "suite à une attaque terroriste qu’aurait subie le quartier général des VDP de Nouna (...) des Dozos (chasseurs traditionnels) armés, identifiés par les victimes comme étant des VDP, ont conduit en guise de représailles des actions meurtrières".
Selon le secrétaire général du CISC, Daouda Diallo, cette situation "mérite une attention particulière", car "les groupes armés terroristes surfent sur ces types de dérives au sein des populations pour pouvoir assurer leur recrutement".
Des cas d’exécutions extrajudiciaires sont de plus en plus signalés par les populations de plusieurs régions du Burkina, affirme le CISC.
Le 22 décembre, des VDP ont enlevé et exécuté des hommes à Marmisga (nord) tandis que le 18 décembre, d'autres VDP présumés ont enlevé et exécuté un père de famille et son fils à Kongoussi, dans la région du Centre-nord.
Le 15 décembre, ce sont cinq personnes qui avaient été enlevées et tuées par des personnes identifiées comme étant des Dozos à Lorépeni, région du Sud-ouest, selon le CISC.
Ces exactions rappellent celles commises il y a quatre ans, le 1er janvier 2019 à Yirgou, dans la région du Centre-nord: l’assassinat d’un chef de l'ethnie mossi et de ses proches avait conduit à des représailles de membres d’un groupe d’autodéfense contre la communauté peule, faisant 49 morts selon un bilan officiel, plus de 200, selon des ONG.
En aout dernier, le précédent pouvoir militaire avait vivement condamné et mis en garde contre des appels "à l'épuration ethnique" visant la minorité peule du pays: certains de ses membres ayant rejoint des groupes jihadistes, l'amalgame entre eux et les "terroristes" est régulièrement établi, ce qui attise les tensions entre communautés.
Les VDP reçoivent pour l'instant une formation civique et militaire de 14 jours avant d'être armés et dotés de moyens de communication. Ils paient un lourd tribut dans les attaques des jihadistes qui contrôlent 40% du territoire burkinabè.