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Après une campagne à couteaux tirés et un premier tour plus serré que prévu, le Brésil élit dimanche son prochain président: l'ex-chef d'Etat de gauche Lula ou le président sortant d'extrême droite Jair Bolsonaro.
Le pays d'Amérique latine aux dimensions continentales se prépare à cette échéance depuis mars 2021, lorsque la Cour Suprême avait permis à Luiz Inacio Lula da Silva de faire un come-back politique en annulant les condamnations controversées qui l'avaient envoyé 18 mois en prison pour corruption.
Lula, qui a fêté ses 77 ans jeudi, a beau être le favori des sondages depuis des mois, l'écart s'est resserré avec Bolsonaro, 67 ans, qui a obtenu un meilleur score que prévu au premier tour (43% contre 48%).
A deux jours du vote, les analystes n'excluent pas que la 6e campagne présidentielle de l'inoxydable fondateur du Parti des travailleurs (PT) échoue au poteau.
Selon le dernier sondage jeudi de l'institut de référence Datafolha, l'ancien syndicaliste est crédité de 53% des votes exprimés, contre 47% pour Bolsonaro.
Les deux candidats, qui se détestent, se retrouvent vendredi soir pour un dernier débat télévisé qui promet d'être très tendu.
"Cette course va se terminer sur le fil", prédit pour l'AFP Brian Winter, rédacteur en chef de Americas Quarterly, "chaque vote va compter, je ne parierais pas sur le résultat".
Bolsonaro a bénéficié d'une dynamique après ce premier tour rassurant pour lui. Ses alliés ont par ailleurs fortement progressé aux élections des gouverneurs et aux législatives qui se déroulaient parallèlement au 1er tour de la présidentielle, le 2 octobre.
Quel que soit le nom du nouveau président élu pour quatre ans, il devra gouverner avec une droite radicale plus puissante.
"Des cicatrices"
Mais Bolsonaro semble avoir douté de sa victoire ces derniers jours, relançant ses attaques contre le système électoral brésilien "frauduleux" qu'il avait mises en sourdine.
Il n'acceptera le résultat des élections que s'"il ne se passe rien d'anormal", a-t-il prévenu récemment.
Il vient de lancer une offensive sur des irrégularités présumées dans la diffusion de propagande électorale à la radio qui auraient desservi sa campagne, privée selon lui de la diffusion de quelque 150.000 spots. Mais le Tribunal supérieur électoral (TSE) a rejeté mercredi sa demande d'enquête.
Dans ce contexte, beaucoup redoutent un remake brésilien de l'assaut du Capitole en janvier 2021 par des sympathisants du président américain défait Donald Trump, modèle de Jair Bolsonaro.
Mais les analystes estiment qu'il manque à Bolsonaro le soutien de l'armée et des institutions pour faire un véritable coup de force s'il perd.
Il peut toutefois essayer, d'autant qu'il peut compter sur un socle de partisans prêts à tout. Et, "comme on l'a vu aux Etats-Unis, cela laisse des cicatrices pour le pays", dit Brian Winter.
Débauche d'attaques
Ce dernier mois de campagne a donné lieu à une débauche d'attaques et d'insultes personnelles, surtout sur les réseaux sociaux, un champ de bataille plus important que jamais.
Le camp Bolsonaro a accusé Lula de vouloir fermer les églises, promouvoir l"'idéologie de genre" dans les écoles et pactiser avec Satan. Le camp Lula a accusé Bolsonaro de pédophilie et de cannibalisme.
Ces joutes ont laissé peu de place aux vrais problèmes des 215 millions de Brésiliens, telles la relative faiblesse de l'économie, l'inflation et la faim dont souffrent 33 millions d'entre eux.
Lula a surtout fait campagne autour du succès de ses deux mandats (2003-2010) à une époque du boom économique permis par l'envolée des matières premières pour la plus grande économie d'Amérique latine.
Et même si les charges qui pesaient contre lui autour de l'enquête tentaculaire sur les pots de vin liés à Petrobras ont été annulées, Lula incarne toujours pour des millions de Brésiliens la corruption.
Mais il garde des soutiens irréductibles, telle Ana Gabriele dos Santos, employée d'un ranch dans la région semi-aride du Sertao, fief de Lula, dans le Nord-est.
"On était pour Lula à l'époque, on est pour Lula aujourd'hui", dit à l'AFP la jeune femme dont la famille a toujours voté pour le chef du PT.
Bolsonaro peut de son côté capitaliser sur une légère reprise économique avec un reflux du chômage comme de l'inflation, ainsi que sur la défense des valeurs ultra-conservatrices: Dieu, famille, patrie.
"Il est l'un des nôtres", lance Gilberto Klais, un entrepreneur qui exhibe un autocollant géant sur sa voiture, jaune et vert comme les couleurs du drapeau brésilien, dans l'Etat méridional du Parana, un bastion bolsonariste.
Mais en fait, une foule de Brésiliens voteront surtout dimanche pour le candidat qu'ils détestent le moins.