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Le gouvernement colombien et la faction de la dissidence des FARC qui avait repris les armes après la signature de l'historique accord de paix de 2016 ont annoncé vendredi de nouveaux pourparlers, nouvelle étape dans la politique de "paix totale" promise par le président Gustavo Petro.
Un document officiel signé par les deux parties a été rendu public vendredi. Ce texte en onze points annonce le début d'un "processus de dialogues socio-politiques devant aboutir à la signature d'un accord de paix entre le gouvernement colombien et l'organisation rebelle armée Segunda Marquetalia", créée par son chef Ivan Marquez en 2019, après son retour à la clandestinité.
Les parties se sont également engagées à "développer immédiatement des accords préalables pour la désescalade du conflit et la mise en œuvre de transformations pour la construction sociale et environnementale du territoire", poursuit le texte.
Le président Petro, premier homme de gauche à accéder au pouvoir en Colombie en 2022 et lui-même ex-membre dans sa jeunesse d'une guérilla d'extrême gauche (le M-19), s'est engagé à sortir par le dialogue de six décennies de conflit armé et négocie depuis avec la plupart des organisations du pays.
Au nom de cette politique de "paix totale", M. Petro a déjà entamé des négociations avec la dissidence des FARC d'Ivan Mordisco, plus connue sous le nom d'Etat-major central (EMC), et elle-même rivale de la Segunda Marquetalia.
Des discussions sont également en cours avec l'ELN (Armée de libération nationale, guévariste), des groupes paramilitaires et des narcotrafiquants. Deux fragiles cessez-le-feu provisoires sont en vigueur avec l'EMC et l'ELN.
Vendredi, le "Front de guerre occidental" de l'ELN, actif dans l'ouest du pays, a interdit aux populations de se déplacer dans des zones sous son contrôle dans le département du Choco, majoritairement afro-colombien, prétendument pour leur propre sécurité et "intégrité".
Le groupe a justifié son action en évoquant la présence de "paramilitaires alliés à la force publique" dans ces zones.
- "De nouveaux progrès"? -
La politique du président Petro se heurte cependant à de nombreuses embûches et est sévèrement critiquée par l'opposition de droite, alors que ces groupes armés, liés au narcotrafic, ont multiplié leurs actions pour accroître leur influence territoriale.
Actuellement en visite en Colombie, le Conseil de sécurité de l'ONU a salué l'annonce du récent cessez-le-feu avec l'ELN pour six mois. Il a également "exprimé son espoir de nouveaux progrès dans le dialogue" avec la dissidence de l'EMC, et évoqué un "élargissement en ce sens du mandat de la mission de vérification" de l'ONU, qui surveille déjà la mise en œuvre de l'accord de 2016.
Mais jusqu'à présent, la Segunda Marquetalia, active aux frontières avec le Venezuela (est) et l'Equateur (sud-ouest) et qui compte 1.663 membres, selon l'armée, est considérée comme l'aile dure des dissidents.
La dissidence de l'EMC compterait elle près de 3.500 hommes qui se considèrent comme les vrais héritiers des FARC, avec plusieurs "Fronts" opérant principalement en Amazonie, sur la côte Pacifique et à la frontière vénézuélienne.
Le retour aux armes de M. Marquez en 2019 (il avait été l'un des principaux négociateurs de la paix à La Havane en 2016) avait porté un coup sévère au processus historique qui a permis à quelque 7.000 combattants des FARC de se réinsérer dans la vie civile. L'accord a cependant tenu, avec le soutien résolu de la communauté internationale, et malgré les réticences voire parfois la mauvaise volonté de la droite conservatrice au pouvoir jusqu'en 2022.
Près de 350 ex-combattants des FARC réintégrés à la vie civile ont par ailleurs été assassinés depuis, notamment par des dissidents et groupes armés rivaux.
Depuis le retour au maquis de M. Marquez, plusieurs dirigeants de la Segunda Marquetalia ont été éliminés dans des circonstances et commanditaires restés obscurs, tels Jesus Santrich, "El Paisa" et "Romana", tués au Venezuela.
Selon la presse, M. Marquez y aurait été lui-même victime d'une tentative d'assassinat en 2022. Et en 2023 des rumeurs, démenties par le gouvernement, avaient émis l'hypothèse de sa mort.
Des études indépendantes indiquent que la Segunda Marquetalia, surnommée péjorativement "narcotalia" par le gouvernement sortant du président conservateur Ivan Duque (2018-2022), est en conflit avec d'autres groupes armés pour le contrôle d'itinéraires du trafic de drogue.