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Crise à Strasbourg: l'archevêque poussé au départ

Une enquête ordonnée par le Vatican, des critiques sur sa gouvernance "solitaire", et des fidèles qui manifestent : Luc Ravel, l'archevêque de Strasbourg, est poussé vers la sortie mais s'accroche à son poste.

"Ravel démission". Pancarte à la main, une quinzaine de catholiques ont manifesté devant la cathédrale mardi, alors qu'à l'intérieur était célébrée la messe chrismale, à quelques jours de Pâques.

Une protestation inédite qui exprime le "mécontentement" de nombreux prêtres et paroissiens devant la gestion du diocèse, explique à l'AFP Jean-Paul Blatz, responsable du groupe Jonas d'Alsace, à l'initiative de cette contestation.

"Monseigneur Ravel décide tout seul dans son coin", avance-t-il. "Il voit l'évêque comme un général qui commande à des prêtres, qui eux-mêmes commandent à des laïcs. C'est une vision très pyramidale de l'Eglise mais ça ne marche plus comme ça aujourd'hui".

- "Façon militaire" -

Le père Marcel Metzger, professeur émérite de la fac de théologie, estime qu'en nommant à Strasbourg en 2017 ce fils de général et ancien évêque aux armées, le Vatican a fait une "erreur de casting": "il n'a pas d'expérience pastorale de terrain, et puis il fonctionne à la façon militaire..."

A son arrivée "il a renvoyé les femmes membres du conseil épiscopal" et a "dissous" le conseil de la pastorale, où siégeaient plusieurs laïcs.

Certains lui reprochent également l'arrivée de "prêtres traditionalistes" dans les églises Saint-Louis de Strasbourg et Saint-Joseph de Colmar.

"A Saint-Joseph, des traditionalistes ont été implantés par Mgr Ravel sans le consentement des paroissiens", affirme Gérard Valette, ancien collaborateur du diocèse.

Cela se traduit par "une priorité donnée au latin et une orientation politico-religieuse qui n'est pas celle du pape", décrit-il. "Ils font preuve d'une certaine fermeture, tout en se croyant les dépositaires de la vérité".

- "Ils ne donnent plus à la quête" -

"Ca donne parfois envie de dire qu'on ne fait plus partie du club. Il y a même des gens qui disent qu'ils ne donnent plus à la quête. Voyez jusqu'où ça peut aller", témoigne Gérard Valette.

Derniers remous en date: en mars, Christian Kratz, évêque auxiliaire, est exclu du conseil épiscopal, l'apprenant par une "lettre glissée sous la porte" dans laquelle Mgr Ravel lui reprochait de lui avoir "caché des choses" dans l'affaire d'un ancien aumônier visé par une plainte pour viol, qui s'est suicidé le 1er janvier.

Pour Mgr Kratz c'est l'incompréhension: "ce n'est pas moi qui m'occupais de ça", explique-t-il à l'AFP.

"Je ne sais pas ce qu'il me reproche, ça fait trois semaines ou plus qu'on ne se parle plus", s'étonne Mgr Kratz, affirmant avoir reçu des "centaines de lettres, de SMS et de coups de fil de soutien" depuis son éviction.

Pour Marc Larchet, ancien responsable de la communication du diocèse, Mgr Ravel, polytechnicien et titulaire d'une maîtrise de philosophie est un "homme de paradoxes", capable de se montrer tour à tour "sympathique" ou "dur" et "pas à l'écoute".

"J'ai l'impression qu'au fur et à mesure de sa gouvernance du diocèse, il s'est coupé, fermé", dit-il à l'AFP.

Les critiques, remontées jusqu'à Rome, ont poussé le pape à ordonner une inspection générale en juin 2022. Mais ses conclusions se font attendre.

- "Premier blessé" -

"Mes sources sûres me disent qu'une décision a été prise et qu'elle a été communiquée à l'intéressé" mais "personne ne communique", regrette le chancelier de l'archevêché, Bernard Xibaut.

En vertu du régime concordataire en Alsace-Moselle, l'archevêque de Strasbourg est nommé par décret du président de la République, après décision du Saint-Siège.

Interrogé, le ministère de l'Intérieur rappelle que "dans les territoires concordataires, l'Etat se borne à prendre les décisions administratives découlant des décisions des autorités religieuses".

"Rome demande la démission" de Mgr Ravel, assure un ex-cadre du diocèse. Mais "Luc Ravel a envoyé à Rome une pseudo-lettre de démission qui n'en est pas une, il continue à se débattre, il joue sur cette situation particulière".

Sollicités par l'AFP, ni le Vatican ni la nonciature (représentant du pape en France) ni l'archevêché n'ont souhaité communiquer.

L'archevêque de 65 ans est "le premier blessé dans cette histoire", concède Bernard Xibaut. "Mais sont blessés également les agents pastoraux, qui ne savent plus tellement à quel saint se vouer".

Selon une source ecclésiastique, "on assiste à la chute d'un très grand ambitieux." "Il cherche à se cramponner jusqu'au bout. Il va tomber."

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