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A Cuba, des primes pour retenir le personnel de santé dans les hôpitaux

Alexey Lopez, un cardiologue cubain de 59 ans, explique dormir "un peu plus tranquille" depuis qu'il reçoit une prime salariale accordée par le gouvernement qui tente, en pleine crise économique, de retenir dans les hôpitaux le personnel de santé.

Exerçant en soins intensifs à l'hôpital Calixto Garcia de La Havane, le praticien fait partie des quelque 400.000 médecins, infirmiers, techniciens de santé qui reçoivent depuis début 2024 une prime mensuelle.

Cette dernière rémunère les gardes de nuit, de week-end, l'ancienneté, ainsi que le travail dans des services spécialisés ou à risques.

Le Dr. Lopez a ainsi vu ses revenus passer de 6.500 à 17.000 pesos cubains, soit une hausse de 54 à 141 dollars au taux officiel, mais de 21 à 56 dollars au taux pratiqué dans la rue, qui avec le poids croissant de l'économie informelle et un secteur privé grandissant régit une partie des prix à Cuba.

Cette mesure salariale "aide à dormir un peu plus tranquille. Nous perdions le sommeil à force de faire les comptes pour acheter" de quoi vivre, explique à l'AFP le praticien, alors que les Cubains sont confrontés depuis 2021 à une inflation galopante, avec une boîte de 30 oeufs coûtant environ 3.000 pesos.

Le vice-ministre cubain de la Santé, Luis Fernando Navarro, souligne auprès de l'AFP que cette mesure vise à "une amélioration des conditions de vie du personnel", même s'il reconnaît que "cette augmentation ne répond pas au coût de la vie actuel à Cuba".

Amanda, une kinésithérapeute de 48 ans, qui n'a pas souhaité donner son nom, souligne que malgré la prime reçue qui représente près d'un tiers de son salaire de 4.000 pesos, elle va "devoir trouver d'autres solutions qui génèrent des revenus" pour survivre au quotidien.

- "Qui alors ?" -

La prévention est la base du système de santé universel de Cuba, qui compte 89 médecins pour 10.000 habitants, contre 33 en France et 35 aux Etats-Unis selon les derniers chiffres de l'OMS.

L'île communiste envoie également des médecins travailler à l'étranger, notamment pour obtenir des devises en retour.

Selon des chiffres officiels, environ 40.000 personnels ont quitté le secteur de la santé en 2022-2023. Alors que le pays connaît un exode migratoire sans précédent, ces professionnels ont émigré ou simplement abandonné leur métier pour travailler dans des secteurs plus rémunérateurs, comme le tourisme.

Avec un impact sur les spécialités. Si Cuba a des "médecins généralistes pour 100%" des centres de santé primaire, "ce n'est pas le cas pour les soins spécialisés" dans les hôpitaux, "ni les soins hyper-spécialisés" des pathologies complexes, explique le vice-ministre.

Parallèlement à l'annonce des primes pour les professionnels de santé, ainsi que ceux de l'éducation -- considérés comme les deux "piliers" de la Révolution castriste -- le gouvernement a annoncé des mesures destinées à réduire le grave déficit budgétaire.

Parmi elles figurent une hausse du carburant de 500% -- pour l'heure reportée sine die --, de l'électricité, du gaz, de certains transports, alors que le pays manque cruellement de devises et ne parvient pas à se relancer après la pandémie en raison du renforcement des sanctions américaines et des faiblesses structurelles de son économie centralisée.

Entre de vieux moniteurs de cardiologie et des lits peu adaptés à des patients gravement atteints, le Dr. Lopez regrette les départs de collègues qui compliquent son travail. La crise économique "nous la subissons en terme d'équipes de médecins, de matériels, de médicaments", dit-il.

Il n'est pas rare que les professionnels soient contraints d'acheter eux-mêmes leur stéthoscope et d'autre matériel. Dans le service de soins intensifs où exerce le Dr. Lopez, il manque des sondes nasogastriques et vésicales, des seringues, du matériel à usage unique...

Le médecin assure qu'il "n'a jamais pensé" émigrer, mais regrette que les primes ne soient pas une véritable hausse de salaire. "Je connais des collègues qui ont quitté le secteur et ces mesures ne les encouragent pas encore à revenir", dit-il en s'approchant d'un patient pour l'examiner.

Pour ce dernier, il ne fait aucun doute que les médecins devraient gagner davantage. "Si eux ne le méritent pas, qui alors ? Ils sont les meilleurs!", dit Francisco Morin, 75 ans.

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