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Il est 18h30 et le ciel s'embrase au-dessus de la mosquée de Munigi, dans l'est de la République démocratique du Congo. A moins de 10km de la ligne de front, des centaines de déplacés de guerre musulmans s'apprêtent à rompre le jeûne en ce mois de ramadan.
Sur un terrain vague cahoteux à la sortie nord de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, des dizaines de huttes faites de bric et de broc entourent une cabane en planches. Ce minuscule bâtiment fait office de mosquée aux musulmans qui ont fui les attaques de la rébellion du M23 plus au nord.
Ils sont environ 500 à survivre ici, presque sans eau et sans nourriture. "Les premiers sont arrivés il y a près d'un an", raconte Ali Assani Mukamba, l'imam de Munigi.
"Ici, nous n'avons pas d'eau", poursuit l'imam, en déambulant au milieu des abris de fortune et des blocs de roches volcaniques. "Pour se laver avant la prière, nous sommes parfois obligés de nous frotter avec de la poussière ou de la boue".
La nuit est tombée d'un coup sur le camp. Des plateaux de riz et de haricots rouges passent de main en main dans la lueur blafarde d'une ampoule qui éclaire la "mosquée".
"Aujourd'hui, c'est seulement grâce à des bienfaiteurs de la communauté que nous avons quelque chose à manger pour l'iftar (la rupture du jeûne)", explique, devant une tasse fumante de bouillie, Abda Juma Buranga, un des doyens des déplacés musulmans.
A 65 ans, il se retrouve sans rien. Ses champs et sa maison sont pourtant à moins de 20km du camp de Munigi. Mais fin octobre, le M23 a lancé un assaut sur son village, Kibumba.
"J'ai perdu 25 membres de ma famille, des cousins, des tantes, des neveux... Ils ont tous été tués par le M23". Au cours de l'attaque, tout le village se vide et dans la panique générale il perd la trace de quatre de ses enfants.
Fin mars, l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) estimait à plus de 900.000 les personnes ayant dû abandonner leurs maisons à cause de la "crise du M23".
- "Nous souffrons beaucoup" -
Ancienne rébellion de l'est de la RDC, ses combattants à majorité tutsi ont repris les armes fin 2021 et chassé l'armée congolaise de nombreuses de ses positions, s'emparant de villes et de routes stratégiques au Nord-Kivu.
"En 2012, je n'avais pas fui quand le M23 était arrivé", raconte, tête baissée, Aisha Furaha, assise sur une roche au milieu du camp. "Mais aujourd'hui, ils sont venus avec plus de brutalité. Ils ont dit qu'ils allaient rentrer dans les maisons pour piller et pour tuer".
Elle a fui "les coups de balle" avec ses 10 enfants en septembre dernier. Depuis, ils dorment par terre dans une hutte à Munigi. "Mais il n'y a pas assez de place pour tous", se lamente cette mère de 40 ans, enroulée de la tête aux pieds dans un tissu à carreaux, "et les plus grands doivent quitter le camp après la prière du soir pour aller dormir en ville, dans des familles d'accueil".
Tout autour de Goma, postés sur des collines, les combattants du M23 sont toujours là.
Equipée et épaulée sur le terrain par l'armée rwandaise - selon plusieurs rapports des Nations unies -, la rébellion impose son tempo à la partie adverse, pourtant bien plus nombreuse et mieux équipée: l'armée congolaise et son aviation, des milliers de Casques bleus et de soldats d'une force régionale récemment mise en place, et quelques centaines de "formateurs" militaires privés venus d'Europe de l'est.
"Nous demandons à la communauté internationale qu'ils disent au M23 de se retirer et à Kagame (le président rwandais) de retirer ses soldats, car ici nous souffrons beaucoup", lance le vieux Abda Juma, avant de quitter la mosquée pour disparaître dans le noir du camp de Munigi.