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Elections en Thaïlande: après la répression, l'espoir intact des manifestants pro-démocratie

Il y a trois ans, Panusaya Sithijirawattanakul a manifesté en première ligne pour la démocratie, aux côtés de milliers d'autres jeunes Thaïlandais, affrontant les canons à eau et les gaz lacrymogènes de la police.

Le mouvement de protestations a secoué le royaume en 2020 en réclamant une réforme en profondeur de la monarchie, un sujet tabou dans le pays où le roi Maha Vajiralongkorn jouit d'un statut de quasi-divinité.

Mais la pandémie et une vague d'arrestations qui a visé les leaders de la contestation, dont Panusaya, ont éteint la colère qui remplissait les rues de la capitale Bangkok.

Les élections législatives du 14 mai offrent une nouvelle occasion aux militants pro-démocratie de faire entendre leur voix, dans un contexte politique toujours cadenassé par les élites conservatrices, réticentes face aux réformes demandées.

Panusaya Sithijirawattanakul, 24 ans, surnommée "Rung", a été l'une des figures de proue du mouvement. Son engagement lui a valu douze accusations de lèse-majesté et des passages en prison.

"Ce scrutin sera très important. Ca peut changer la donne", explique-t-elle à l'AFP, alors qu'elle prépare un master de sciences politiques dans une université de Bangkok.

"Si le camp pro-démocratie l'emporte, nous allons avoir beaucoup d'options pour arrêter la nomination des sénateurs (jugés favorables à l'armée, NDLR), écrire une nouvelle Constitution et changer plusieurs lois", poursuit-elle.

Quelque quatre millions de jeunes Thaïlandais, âgés de 18 ans ou plus, vont voter pour la première fois en mai.

- Lèse-majesté -

Beaucoup d'entre eux veulent éjecter le Premier ministre sortant Prayut Chan-O-Cha, arrivé au pouvoir à la suite d'un coup d'Etat en 2014, affirme Rung. Mais sans être naïfs pour autant.

Les règles électorales complexes favorisent un candidat proche de l'armée, une institution ciblée par les protestataires, à l'origine d'une douzaine de coups d'Etat depuis la fin de la monarchie en 1932.

"Les autorités dans ce pays sont égoïstes. Ceux qui sont au pouvoir sont obsédés par leur pouvoir. Ils veulent se maintenir quoi qu'il en coûte", poursuit l'activiste.

Dans ce climat verrouillé, elle craint que les partis d'opposition n'aient pas le courage d'aborder les réformes réclamées lors des manifestations.

"Nous savons que toutes nos attentes ne vont pas être satisfaites par cette élection", lâche Panusaya.

A commencer par la révocation de l'article 112 sur la diffamation contre le roi et sa famille, une loi sévère dont l'usage a été détourné pour étouffer toute contestation politique selon ses détracteurs.

Même Move Forward, le parti autoproclamé de la nouvelle génération, a adopté un profil bas sur le sujet, assurant que "ce n'était pas le principal objectif de campagne."

La contestation de 2020 a aussi mis en lumière un choc de générations entre jeunesse plus diplômée et parents conservateurs, attachés au roi.

- Choc générationnel -

"Je ne pense pas que les nouvelles générations vont perdre espoir et n'iront pas voter. Elles vont continuer à se battre", estime Noppakorn Sakkamart, un analyste âgé de 24 ans, qui a participé aux manifestations de 2020.

Les jeunes Thaïlandais veulent plus de méritocratie, dans un système parmi les plus inégalitaires d'Asie, renchérit Pooripat Buakong, un étudiant de 20 ans, installé à Bangkok.

"Mon père craignait que je sois trop impliqué dans la politique (...) Il disait: +le gouvernement et la politique n'ont pas à être changés+", lance-t-il.

Reconnaissable à sa couleur orange, Move Forward semble le mieux placé auprès des plus jeunes.

Ce parti est né sur les cendres de Future Forward, dissous après avoir récolté plus de six millions de suffrages pour sa première élection en 2019.

Il talonne en tête dans les sondages le principal mouvement d'opposition, Pheu Thai, loin devant le camp conservateur pro-armée.

De nouvelles poursuites en justice pourraient casser sa dynamique, si les institutions voient leur pouvoir menacé, craint Thitinan Pongsudhirak, professeur de sciences politiques à l'Université Chulalongkorn de Bangkok.

"Un scénario serait la dissolution d'un parti important (...) Pheu Thai ou Move Forward", explique-t-il à l'AFP.

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