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A l'arrière d'une Jeep décapotable rouge, les leaders de l'opposition en Thaïlande ont défilé samedi dans les rues de Bangkok, pour appeler une dernière fois les électeurs à éjecter le gouvernement pro-armée, à la veille des élections législatives.
Les sondages donnent perdant le Premier ministre sortant Prayut Chan-O-Cha, un ancien général putschiste en place depuis 2014, face au camp réformateur incarné par les partis Pheu Thai et Move Forward (Aller de l'avant).
Mais dans un royaume habitué aux interventions de l'armée et de la justice dans le processus démocratique, les craintes demeurent que les militaires s'accrochent au pouvoir malgré la promesse, renouvelée jeudi, de ne pas répéter de coup d'Etat.
Lunettes de soleil et veste blanche, Paetongtarn Shinawatra, favorite du vote, a salué ses supporters, à la tête d'un cortège de dizaines de véhicules.
Aux côtés de Srettha Thavisin, l'autre candidat de Pheu Thai pour le poste de Premier ministre, elle a sillonné la capitale, du Monument de la Démocratie aux centres commerciaux géants du centre.
Ses soutiens ont agité des drapeaux en chantant: "raz-de-marée de Pheu Thai", le credo du parti qui a besoin d'une large majorité à l'Assemblée nationale pour contourner des règles électorales favorables à l'armée.
Paetongtarn Shinawatra, la fille de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, est réapparue sur scène vendredi, devant environ 10.000 partisans, pour la première fois après avoir donné naissance à son deuxième enfant, le 1er mai.
- Clash générationnel -
"Ca ne fait que 12 jours, je suis un peu fatiguée mais ça va (...) Je suis tellement excitée", a assuré la candidate de 36 ans auprès de l'AFP.
Cette novice en politique est la dernière incarnation de la richissime famille qui polarise la vie politique thaïlandaise depuis plus de 20 ans, à la fois adorée des milieux populaires du Nord et du Nord-Est, mais haïe des élites traditionnelles de Bangkok.
Son père Thaksin et sa tante Yingluck ont tous les deux été délogés du pouvoir par un coup d'Etat, respectivement en 2006 et 2014.
Le scrutin de dimanche est le premier d'envergure nationale à se tenir depuis les manifestations massives pro-démocratie de 2020, qui réclamaient une refonte en profondeur de la monarchie, un sujet tabou en Thaïlande où le roi Maha Vajiralongkorn jouit d'un statut de quasi-divinité.
Ces contestations, qui ont baissé d'intensité sous l'effet de la pandémie de Covid-19 et de la répression des autorités, ont néanmoins nourri le dynamisme de Move Forward, l'autre grande force de l'opposition.
Le jeune leader du mouvement Pita Limjaroenrat (42 ans), crédité d'une percée dans les sondages au cours de la campagne, a effectué lui aussi un tour de Bangkok samedi, sur un camion à toit ouvert.
"Donnez à la plus jeune génération l'opportunité de gouverner le pays. Nous allons nous occuper de la plus vieille génération", a-t-il lancé.
- Accepter les résultats -
Ses appels pour réécrire la Constitution de 2017, jugée favorable à l'armée et la monarchie, ont valu à Move Forward des attaques récurrentes du camp conservateur, autoproclamé garant des institutions.
Sous la bannière du parti de la Nation thaïlandaise unie (UTN), l'ancien général Prayut Chan-O-Cha, 69 ans, défend son expérience, assurant être le seul candidat à même de sauver le royaume du chaos.
Mais le dirigeant, à la longévité exceptionnelle pour la Thaïlande, affronte des critiques liées à la croissance économique en berne et au recul des libertés fondamentales, qui viennent parfois de son ancienne majorité.
Allié de longue date de Prayut qu'il a côtoyé à l'armée puis dans le gouvernement sortant, l'ancien général Prawit Wongsuwan, âgé de 77 ans, espère rallier les électeurs autour de son nom.
Son parti, Palang Pracharat (PPRP), est perçu comme un potentiel arbitre pour les négociations qui suivront le scrutin.
Dans les rues de Bangkok, Penpatcha Chaiboonyachot espère des résultats clairs.
"J'espère que tous les partis vont accepter les votes du peuple, et qu'il n'y aura pas de fraude électorale", assure cette restauratrice.
Des régions vallonnées du Nord aux plages paradisiaques du Sud, 95.000 bureaux de vote doivent ouvrir dimanche à 08h00 (01h00 GMT), jusqu'à 17h00 (10h00 GMT).
Quelque 52 millions de Thaïlandais sont appelés à voter, parmi lesquels quatre millions de primo-votants.