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Avec 74.513 personnes incarcérées dans ses prisons au 1er juillet, la France a battu un nouveau record historique du nombre de détenus, le sixième en quelques mois, une surpopulation carcérale chronique qui risque encore de s'aggraver.
Selon les données officielles publiées lundi, les établissements pénitentiaires comptaient 74.513 détenus pour 60.666 places opérationnelles au 1er juillet, soit 2.446 de plus en un an et 15.818 de plus qu'au début de l'été 2020, quand la crise sanitaire avait entraîné une chute drastique du nombre de prisonniers.
La France avait progressivement retrouvé ses niveaux d'avant Covid, dépassant pour la première fois la barre des 73.000 détenus le 1er avril dernier, puis celle, désormais, des 74.000, du jamais vu.
Le taux d'occupation global est actuellement de 122,8% et s'établit à 146,3% dans les maisons d'arrêt, où sont incarcérés les détenus en attente de jugement et ceux condamnés à de courtes peines. Il atteint ou dépasse même les 200% dans huit établissements, dont 278,1% à Majicavo (Mayotte).
Cette surpopulation contraint 2.478 détenus à dormir sur un matelas posé à même le sol. Ils étaient 1.872 le 1er juillet 2022 et 422 il y a trois ans.
Depuis la fin de l'année 2022, les records s'enchaînent, quasiment mois après mois, mais cette fois-ci, avec 814 détenus en plus au 1er juillet par rapport au 1er juin, la hausse est plus importante que lors des précédents pics (+537 détenus au 1er juin, +82 au 1er mai).
- Nouvelle condamnation -
La France, qui fait figure de mauvais élève en Europe, avait été sévèrement épinglée en janvier 2020 par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour le surpeuplement "structurel" de ses prisons. Elle a de nouveau été condamnée le 6 juillet.
Et cette surpopulation ne semble pas près de diminuer.
Après les nuits de violences urbaines ayant suivi la mort le 27 juin de Nahel, un adolescent tué par un policier à Nanterre, le gouvernement avait appelé à une réponse "ferme", "rapide" et "systématique". Dans ce contexte, 742 personnes ont été condamnées à des peines d'emprisonnement ferme et "plus de 600" ont été incarcérées, selon le bilan brandi mi-juillet devant les députés par le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.
La suroccupation des prisons pourrait encore s'aggraver ces prochains mois à l'approche des Jeux olympiques, alors que les autorités affichent un objectif "zéro délinquance" et que les juridictions se préparent déjà à multiplier les comparutions immédiates, grosses pourvoyeuses d'incarcérations, alertait fin juillet l'association Observatoire international des prisons (OIP).
De nombreuses voix réclament depuis plusieurs années d'inscrire dans la loi un mécanisme de régulation carcérale, qui permettrait d'examiner les possibilités de sortie d'un prisonnier en fin de peine avant de faire rentrer d'autres détenus dans une prison suroccupée.
- 18.000 nouvelles places -
Un rapport parlementaire soulignait le 19 juillet "l'urgence" de mettre en place un mécanisme de régulation carcérale, qui faisait également partie des recommandations des Etats généraux de la Justice.
Mais il avait été écarté du projet de loi d'Eric Dupond-Moretti adopté le 18 juillet à l'Assemblée nationale, le ministre préférant mettre en avant le plan (annoncé en 2018) de construction de "15.000 places" de prisons supplémentaires d'ici à 2027, auxquelles se sont ajoutées 3.000 places à la demande de l'opposition de droite.
Avancée par les gouvernements successifs comme la solution contre la surpopulation carcérale, la construction de nouvelles places avait été encore une fois tancée par la contrôleure des prisons Dominique Simonnot dans son rapport annuel, le 11 mai.
"Depuis trente ans, plus de 36.000 places de prison ont été créées sans effet sur la surpopulation et l'adage selon lequel +plus on construit, plus on remplit+ s'est toujours vérifié", argumente aussi régulièrement l'OIP.
Le nombre de détenus avait dépassé le seuil des 50.000 détenus en 1992, celui des 60.000 en 2008 et le cap des 70.000 dix ans plus tard.
Selon les statistiques de l'administration pénitentiaire, ce sont surtout les courtes peines qui se sont envolées ces trente dernières années. Le temps passé en détention s'est également allongé, passant de 8,6 mois en moyenne en 2006 à 11,8 mois en 2020.