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Avec un blouson aviateur imitant Tom Cruise dans "Top Gun" ou quelques pas de danse pour passer pour "un grand-père sympa", les trois candidats à l'élection présidentielle indonésienne ont largement investi les réseaux sociaux pour séduire la génération Z.
Dans un pays où les moins de 40 ans représentent plus de la moitié des quelque 205 millions d'électeurs, le favori Prabowo Subianto, 72 ans, et ses deux rivaux Anies Baswedan et Ganjar Pranowo, tous deux cinquantenaires, ont multiplié les messages sur Instagram, TikTok et les autres plateformes à même de faire basculer le vote jeune.
Forte de ses 125 millions d'utilisateurs, l'Indonésie représente le plus grand marché de TikTok au monde, derrière les Etats-Unis, et le premier en Asie du Sud-Est.
Les candidats à la présidentielle du 14 février ne s'y sont donc pas trompés: ils ont communiqué massivement sur le réseau social appartenant au géant chinois ByteDance.
Si Facebook et Twitter étaient dominants lors de la précédente élection en 2019, "aujourd'hui, la bataille se joue sur TikTok", estime Angga Putra Fidrian, membre de l'équipe d'Anies Baswedan, candidat longtemps en retard mais désormais à la 2e place dans les sondages, assez loin cependant du favori Prabowo Subianto.
A l'issue du premier débat présidentiel en décembre, des extraits vidéo ont été visionnés 300 millions de fois en 12 heures sur TikTok, dont les trois quarts téléchargés par des utilisateurs engagés en faveur d'un candidat, souligne Hokky Situngkir, spécialiste de TikTok, à l'Institut de recherche sociale de Bandung.
- Compétition virale -
Parmi les vidéos les plus populaires figurent celles de Prabowo Subianto en train de danser, qui ont inondé TikTok. Ces images ont contribué à transformer l'image de l'ex-général accusé de graves atteintes aux droits humains à la fin des années 1990 en un "grand-père sympa".
Pour lui emboîter le pas, des supporteurs ont organisé des compétitions de danse en ligne, offrant des centaines de millions de roupies (des milliers d'euros) aux meilleures imitations.
"Je considère ce phénomène comme naturel", confie Anthony Leong, coordinateur de la campagne numérique de l'actuel ministre de la Défense, admettant qu'environ 15.000 volontaires soutiennent sa campagne numérique.
Des vidéos d'Anies Baswedan qui renforcent son côté rassurant et "paternel", selon ses partisans, sont également devenues virales, notamment l'une où on le voit chercher laborieusement comment arrêter la diffusion d'une vidéo en direct.
Le troisième candidat, Ganjar Pranowo, déjà actif sur Instagram et TikTok pendant ses deux mandats de gouverneur de Java centre, a de son côté réalisé des streamings en duo avec d'autres personnalités politiques et des influenceurs sur TikTok.
Lors du 2e débat télévisé, le candidat aux cheveux blancs est apparu vêtu d'un blouson d'aviateur, tel Tom Cruise dans "Top Gun".
"Cette génération n'a aucune expérience politique. Il y a un grand nombre de primo-électeurs sur les réseaux sociaux", souligne, interrogé par l'AFP, le porte-parole de Ganjar Pranowo, Patria Gintings.
- Des internautes payés ? -
Mais les trois candidats au poste suprême ne sont pas les seuls à avoir investi TikTok alors que se tiennent également mercredi les élections législatives, avec 580 sièges en jeu.
"Utiliser les réseaux sociaux pour faire campagne est plus rentable (...) ainsi nos messages de campagne peuvent parvenir directement" aux électeurs, explique Ukon Furkon Sukanda, candidat aux législatives du Parti démocratique indonésien de lutte (PDI-P), la formation de Ganjar Pranowo, dans la province de Banten.
Pourtant, des jeunes Indonésiens s'interrogent sur la sincérité de certains messages.
A l'issue du 2e débat télévisé, alors que Prabowo Subianto a été plusieurs fois mis en difficulté par ses deux rivaux, ses partisans ont vite réagi en mettant en ligne des messages de soutien le présentant comme une victime.
Sur TikTok, des dizaines de ses supporteurs se sont filmés en train de pleurer.
Certains internautes se sont alors demandés publiquement si ces vidéos n'avaient pas été mises en ligne par des internautes payés pour cela.
"Qui est sincère ? Qui fait semblant de l'être ? J'ai souvent des doutes parce qu'il y a tellement de gens qui font du buzz", témoigne Nurul Lathifatul Azizah, qui à 17 ans votera pour la première fois.