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Des détenus aux tenues orange s'alignent avec une précision militaire pour faire de l'exercice ou balayer le sol dans une prison équatorienne où les barons de la drogue profitaient autrefois de jacuzzis et même d'une discothèque, cachant drogue et armes dans les murs de l'établissement.
Les murs de la prison de Latacunga, au sud de la capitale Quito, sont encore parsemés des impacts de balles de la période pas si lointaine ou les gangs, tout puissants, s'affrontaient en son sein même.
La prison a été pendant longtemps, comme d'autres dans le pays, un centre d'opération des gangs liés aux cartels de la drogue mexicains et colombiens.
Lors d'une visite de la presse, un officier militaire qui a requis l'anonymat, comme tous ceux interrogés par l'AFP, a assuré que la prison était "désormais contrôlée à 100% par les forces armées".
Cependant, lors de la visite trois détenus se sont évadés, a annoncé vendredi l'armée dans un communiqué, précisant que l'évasion avait été découverte lors d'un contrôle de sécurité.
Selon l'armée, l'époque des affrontements récurrents entre bandes rivales, qui ont fait plus de 460 morts parmi les détenus du pays depuis 2021, est cependant révolue. Désormais soumis à une discipline militaire, les prisonniers en uniforme suivent au pas les ordres de quelque 1.500 soldats.
L'établissement qui compte quelque 4.300 détenus conserve cependant les stigmates du passé: traces de projectiles aux murs et cellules transformées en confortables chambres, dont l'une avec jacuzzi.
Et dans un autre secteur, une discothèque. Un canapé, un tapis rouge à long poils et une peinture murale représentant une femme à moitié nue ornaient l'espace. Des traces sont encore visibles d'un ancien tunnel en construction et de cachettes d'armes. De la drogue, des armes, des munitions et des téléphones portables ont aussi été saisis.
Les détenus les plus redoutés ont été transférés dans un établissement de haute sécurité de Guayaquil, dans le sud-ouest du pays.
Il y a encore quelques années, l'Équateur était un pays paisible, mais la violence liée au trafic de drogue a fait se multiplier les homicides, qui sont passés de 6 pour 100.000 habitants en 2018 à un record de 46 en 2023.
- "On ne peut même plus parler" -
Les prisons ont été militarisées en janvier sur ordre du président Daniel Noboa, à la suite d'un assaut des bandes criminelles qui a fait une vingtaine de morts et des centaines d'otages dans les prisons, sans compter les véhicules incendiés et les attaques à l'explosif et contre la presse.
Au coeur de la crise, le jeune président de 36 ans a décrété l'état d'urgence et déclaré le pays en "guerre" contre la vingtaine d'organisations criminelles sévissant dans le pays.
Des soldats et des policiers lourdement armés, appuyés de blindés, ont pénétré dans les prisons pour en reprendre le contrôle.
La pression des forces de l'ordre s'est étendue à l'ensemble du système pénitentiaire, qui compte 36 prisons et 31.300 détenus, selon le dernier recensement de 2022.
L'important déploiement militaire dans le pays a permis de réduire le taux d'homicide de 28 par jour pendant la première semaine de janvier à 11 après deux semaines, selon les données officielles.
Les organisations de défense des droits humains remettent cependant en cause la militarisation des prisons et dénoncent des abus, des accusations réfutées par l'armée.
"A aucun moment il n'y a eu une quelconque atteinte aux droits humains", assure un commandant lors de la visite, soulignant qu'auparavant les prisonniers devaient payer les chefs de gangs "pour pouvoir dormir, se laver ou se nourrir".
Dans le quartier des femmes, l'une d'elles crie depuis sa cellule: "On ne peut même plus parler" et "on n'a même pas de papier hygiénique". Dans un autre secteur de la prison, un détenu réclame davantage de visites. "Nous voulons nos proches".
A la question de savoir jusqu'à quand les militaires resteront dans les prisons du pays, un officier répond: "Jusqu'à ce que la patrie ait besoin de nous".