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Jun Endo a failli arrêter le football après la catastrophe qui a frappé sa région de Fukushima en 2011, jusqu'à ce que le Japon remporte le Mondial féminin quelques mois plus tard, un exploit que la joueuse rêve de réaliser à son tour.
Avec un but et deux passes décisives, la milieu offensive âgée de 23 ans brille à la Coupe du monde, au sein d'un collectif décomplexé qui a remporté ses trois matches de groupe.
Les Japonaises, auréolées d'un succès de référence contre l'Espagne (4-0), abordent comme favorites leur huitième de finale contre la Norvège, samedi à Wellington (10h00).
Le stade ne se trouve qu'à quelques mètres de l'océan Pacifique, qui baigne la paisible ville néo-zélandaise.
Pour Endo, l'océan Pacifique reste associé à un désastre dont elle ne garde "que des mauvais souvenirs": la triple catastrophe séisme-tsunami-accident nucléaire du 11 mars 2011, qui a fait près de 18.500 morts ou disparus.
Elle a grandi à une centaine de kilomètres de la centrale de Fukushima Daiichi (nord-est) qui, envahie par les flots, a relâché dans l'environnement d'importantes quantités de substances radioactives.
Des dizaines de milliers de personnes ont été relogées, mais pas sa famille qui résidait dans les terres, hors de la zone d'évacuation.
- Discriminations -
Les mesures sanitaires restrictives ont limité pendant des mois les activités en plein air de Jun Endo, âgée de dix ans au moment du tsunami.
"Je ne pouvais pas jouer au foot à cause des conséquences du désastre, mais au moment où je penser arrêter, le Japon a gagné la Coupe du monde", a-t-elle déclaré dans un entretien à l'AFP, réalisé avant le Mondial.
Elle a mis à profit le temps passé dans les gymnases pour développer sa technique.
"Les gens étaient méchants avec nous quand on se déplaçait", se souvient-elle, gardant en tête les discriminations liées au fait de venir de Fukushima, synonyme de l'une des pires catastrophes nucléaires de l'humanité.
L'éclaircie est venue des terrains de foot. A l'été 2011, le Japon a déjoué les pronostics en remportant sa première, et seule, Coupe du monde, en Allemagne.
Les "Nadeshiko Japan", première sélection asiatique à remporter un Mondial de football, femmes et hommes confondus, avaient relevé le moral de la nation.
Ce sacre a marqué un "tournant" dans le vie de Jun Endo, qui a regardé la finale contre les Etats-Unis (2-2 ap, 3-1 tab), au milieu de la nuit, avec ses parents et ses trois frères et soeurs.
"J'avais l'impression que le football n'était plus amusant, alors voir des joueuses faire ce que je voulais faire, c'est-à-dire gagner la Coupe du monde, cela a eu un impact très positif sur moi", a-t-elle assuré.
"J'ai vu ça, et cela m'a donné très envie d'être dans cette position aussi, un jour", a-t-elle poursuivi, et "cela m'a donné de la force."
- "Positif" -
A seulement 19 ans, Endo a disputé le Mondial 2019 en France, où le Japon s'est arrêté dès les huitièmes de finale, contre les Pays-Bas (2-1).
Depuis son titre, la sélection peine à suivre les progrès d'une concurrence qui s'est étoffée, au fur et à mesure que le football féminin se professionnalisait aux Etats-Unis ou en Europe.
En Océanie pour le Mondial, au sein d'un collectif d'outsiders, elle espère inspirer les nouvelles générations, comme l'ont fait ses glorieuses prédécesseures.
"Plus d'enfants voudront devenir des joueuses de foot. C'est important de gagner le titre", a-t-elle lancé.
Comme Endo, l'équipe féminine possède des racines dans la préfecture de Fukushima, où se trouve le centre national d'entraînement.
La milieu d'Angel City, club basé à Los Angeles, n'a pas l'intention de cacher ses origines: "je ne garde que des mauvais souvenirs de la catastrophe, mais c'est parce que c'est arrivé, que j'ai continué à jouer".
"J'essaye de le prendre comme quelque chose de positif", a-t-elle assuré.