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Enfant, Rina Gonoi rêvait de rejoindre les Forces japonaises d'autodéfense (FJA), mais aujourd'hui, c'est contre cette institution que la jeune femme de 23 ans doit guerroyer pour obtenir justice après les agressions sexuelles qu'elle dit avoir subies.
Sa décision d'élever la voix publiquement l'an dernier a encouragé des centaines d'autres victimes à témoigner, mais elle a aussi fait d'elle une cible de violentes attaques en ligne.
"Si ce n'était que pour moi, j'aurais peut-être laissé tomber, mais je porte sur mes épaules les espoirs de tellement d'autres que je sens que je dois faire de mon mieux", a-t-elle déclaré lors d'un entretien à l'AFP.
Pour la première fois l'an dernier, Rina Gonoi a accusé ses anciens collègues des FJA de harcèlements et d'agressions, des faits quotidiens selon elle depuis ses débuts à l'armée en 2020.
"Lorsque vous marchez dans le couloir, quelqu'un vous met une claque sur la hanche, ou vous agrippe par derrière", raconte-t-elle. "On m'a embrassée sur la joue, on a attrapé mes seins."
Elle raconte que lors d'un exercice, trois collègues l'ont plaquée au sol, lui ont écarté les jambes de force et ont chacun à leur tour appuyé leur entrejambe contre elle, un incident qu'elle avait signalé à sa hiérarchie.
Mais une enquête interne a conclu que les preuves étaient insuffisantes, et ce n'est qu'après ses révélations et le lancement d'une pétition que le dossier a été rouvert et qu'une enquête pénale a été diligentée.
"J'ai été profondément déçue par les Forces d'autodéfense", dit-elle.
- "Plus désespérée que courageuse" -
Le choc a été d'autant plus violent qu'elle avait rejoint les FJA en 2020 pleine d'admiration pour leur intervention sur le tremblement de terre et le tsunami de 2011.
Âgée de 11 ans à l'époque de la catastrophe, Rina Gonoi faisait partie des habitants évacués et avait été particulièrement touchée par des femmes membres des FJA aidant à préparer des salles de bain de fortune pour ceux qui avaient perdu leur maison.
Elles étaient "tellement cool", se rappelle-t-elle. "J'ai pensé qu'un jour j'aimerais être comme elles et travailler pour d'autres personnes" en difficulté.
Judokate passionnée, elle rêvait également de participer aux Jeux olympiques et pensait que l'accès aux installations sportives offert par les FJA lui permettraient de s'entraîner.
Aussi dénoncer publiquement l'inaction de l'institution a été une décision de "dernier recours" pour celle qui se dit plus "désespérée que courageuse".
"J'ai assisté à l'agression d'anciennes sous mes propres yeux et je ne voulais pas qu'elles soient abandonnées" ou que de nouvelles recrues "subissent la même expérience", a-t-elle ajouté.
Après avoir diffusé ses accusations par vidéo sur YouTube en juin dernier, plus de 100.000 personnes ont signé une pétition pour demander l'ouverture d'une enquête indépendante, qu'elle a remise en août au ministère japonais de la Défense.
- "Les gens s'attaquent aux victimes" -
Plus de 1.400 personnes - hommes et femmes - ont depuis lancé des accusations de harcèlement sexuel et de brimades dans l'armée japonaise, un rare élan dans un pays où le mouvement #MeToo a été peu suivi, et où seulement 4% des victimes de viol portent plainte.
Les femmes sont bien représentées dans le monde du travail, mais rarement aux échelons supérieurs des entreprises ou du gouvernement.
Rina Gonoi se dit aussi choquée par les torrents d'insultes reçues sur internet après ses accusations. "J'étais préparée à la diffamation, mais c'est dur", admet-elle.
"Il y a quelque chose qui ne va pas au Japon: les gens s'attaquent aux victimes plutôt qu'aux auteurs".
Rina Gonoi a reçu des excuses de ses agresseurs visés par une enquête pénale.
"J'espère voir une société où les victimes n'auront pas à rendre leur cas public" pour être entendues, a-t-elle déclaré.
Outre ses agresseurs, elle a décidé de poursuivre le gouvernement pour les mauvais traitements reçus.
Elle s'est récemment tournée vers l'enseignement du judo. Lors d'un cours récent, les débutants apprenaient à la projeter au sol.
"Je suis tombée plus de 200 fois" ce jour-là, raconte-t-elle. Mais "peu importe le nombre de fois que je tombe, je me relève. Je suis ainsi."