Partager:
Plus de 55 ans après sa destruction par Israël, le quartier maghrébin de la Vieille Ville de Jérusalem réapparaît en 3D grâce à une application mobile lancée jeudi, destinée à "rendre accessible" une histoire largement méconnue, d'après ses concepteurs.
Au pied du mur des Lamentations, le quartier maghrébin était habité par un millier de résidents jusqu'à la guerre israélo-arabe de juin 1967 et la conquête de Jérusalem-Est par Israël, avant son annexion jugée "non valide" par l'ONU.
En quelques heures, dans la nuit du 10 au 11 juin 1967, les résidents ont été délogés et des bulldozers israéliens ont détruit le quartier fondé par Saladin en 1187 pour des pèlerins musulmans d'Afrique du Nord.
A la place, Israël a créé une vaste esplanade où se pressent aujourd'hui des milliers de visiteurs devant le mur des Lamentations, site le plus sacré où les juifs sont autorisés à prier.
Le quartier maghrébin est "très représentatif de cette histoire ouverte de Jérusalem qu'on essaye de valoriser et qui ressemble si peu à la Jérusalem actuelle qui s'est transformée en un champ de bataille (...) entre deux camps [israélien et palestinien, NDLR], qui écrasent toutes les autres histoires plurielles et diverses de Jérusalem", dit à l'AFP l'historien français Vincent Lemire.
"Je pense que 99% des visiteurs qui sont devant le mur [des Lamentations] ne connaissent rien de cette histoire", ajoute-t-il.
Associé à une agence italienne de modélisation et à l'université de Modène et de Reggio Emilia (Italie), il a mis au point une application mobile permettant de se promener dans chaque ruelle.
Elle "permet aux utilisateurs de vivre une expérience immersive à travers les rues, les mosquées, les écoles et les cours du quartier maghrébin", résument les concepteurs, qui se sont fondés sur des documents d'archives, d'anciennes cartes et photographies et des témoignages d'anciens résidents.
La technologie 3D permet de toucher un public plus large que les écrits académiques, affirme encore M. Lemire, directeur du Centre de recherche français à Jérusalem (CRFJ) et auteur d'un ouvrage sur le quartier publié aux éditions du Seuil en 2022.
"L'histoire de ce quartier est inaccessible, il faut la rendre plus accessible", poursuit-il: "Les gens n'arrivent pas à réaliser qu'il y avait devant ce mur hérodien de l'époque biblique un quartier fondé par Saladin et qui existait jusqu'en 1967."
"Nous n'oublierons jamais notre appartenance à ce quartier", a affirmé à l'occasion d'une conférence de presse un descendant de résidents tunisiens, Ashraf Al-Jandoubi Al-Moghrabi, appelant à "préserver cet héritage".
En janvier 2023, des fouilles par des archéologues israéliens ont mis au jour des vestiges du quartier mais des experts se sont inquiétés du sort réservé aux ruines, rapidement ensevelies.
La modélisation du quartier maghrébin fait partie d'un projet plus large, "Open Jerusalem", réunissant une soixantaine de chercheurs qui ont collecté, répertorié et mis en ligne cette semaine quelque 40.000 archives en 12 langues sur l'histoire de la Ville sainte.