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A la Berlinale, le cri de liberté de cinéastes iraniens interdits de voyager

Empêchés par le régime de Téhéran d'accompagner à Berlin la première mondiale de leur film, deux cinéastes iraniens ont transformé cette interdiction de voyager en manifeste pour le courage des femmes et la liberté.

C'est par l'intermédiaire d'un message depuis Téhéran que les réalisateurs de "My Favourite Cake" ("Mon gâteau préféré", ndlr), Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha, en lice pour l'Ours d'or, se sont adressés vendredi au Festival international du film de Berlin.

"Nous dédions, librement et fièrement, la première de ce film aux femmes libres et courageuses de notre pays, qui ont toujours été en tête des combats sociaux et du changement, et qui tentent d'abattre le mur de fausses croyances obsolètes et fossilisées, et qui se sacrifient pour la liberté", ont-ils lancé dans ce message lu par leur actrice principale Lily Farhadpour.

Estimant que les strictes règles qui encadrent la production de films en Iran ne permettaient pas de montrer la réalité de la société, les réalisateurs, âgés de 54 et 43 ans, disent avoir voulu "dépeindre la véritable image des femmes iraniennes, bannie du cinéma iranien depuis la révolution islamique". "Nous en acceptons les conséquences", ont-ils ajouté.

Celles-ci ne se sont pas faites attendre pour ce duo qui avait déjà présenté à Berlin son précédent film ("Le Pardon", 2021), interdit en Iran.

Dans une interview par visioconférence à l'AFP, commune avec Maryam Moghaddam, Behtash Sanaeeha a raconté comment les forces de l'ordre "ont fait une descente chez (leur) producteur et ont emporté tous les disques durs et les ordinateurs du projet". "Ensuite, quand nous avons voulu quitter Téhéran pour Paris, pour terminer la post-production, ils nous ont pris nos passeports à l'aéroport".

Célébré dans les festivals internationaux, le 7e art iranien est soumis à un contrôle étroit du régime, et ses plus grands réalisateurs, qui bravent la censure, sont régulièrement victimes de la répression.

La Berlinale a une longue tradition de soutien des cinéastes iraniens dissidents. Le festival a attribué l'Ours d'or à Asghar Farhadi ("Une séparation"), Jafar Panahi ("Taxi") ou Mohammad Rasoulof ("Le diable n'existe pas").

- "Lignes rouges" -

Dans "My favourite Cake", drame tourné à l'économie, on suit le parcours de Mahin, une veuve de 70 ans, dont la fille a émigré.

Mahin passe le temps en cuisinant pour son groupe d'amies, mais n'a pas oublié la liberté de sa jeunesse, avant la République islamique. Dans un restaurant, elle rencontre un autre retraité, chauffeur de taxi.

Ces âmes esseulées se plaisent, rentrent chez elle. A l'abri des regards des voisins, ils passent des disques, dansent, boivent du vin de contrebande. Elle le séduit, prend les devants. Lui se laisse faire.

Le film "franchit tellement de lignes rouges (sur des choses) qui sont interdites en Iran depuis 45 ans", reconnaît Maryam Moghaddam. "C'est l'histoire d'une femme qui vit sa vie, qui veut avoir une vie normale, ce qui est interdit pour les femmes en Iran".

D'autant que l'actrice, Lili Farhadpour, également journaliste et autrice en Iran, joue sans voile. Au quotidien, "les femmes ne portent pas le voile en dormant, en faisant leur lessive", sauf dans les films, ce qui "fait souvent rire le public iranien, a relevé l'actrice en conférence de presse. Or "nous voulions que ce film soit conforme à la réalité".

"Boire de l'alcool, danser ou rencontrer un partenaire, tout cela arrive en Iran. Mais à l'intérieur, derrière les murs, parce que c'est interdit à l'extérieur. Nous voulions être fidèles à la réalité et le montrer", ajoute Maryam Moghaddam.

Le film était en préparation lors du vaste mouvement de contestation qui a secoué l'Iran après la mort en septembre 2022 de Mahsa Amini, une jeune Kurde de 22 ans décédée après avoir été arrêtée pour non-respect du strict code vestimentaire du pays.

"Le film parle des femmes, de la vie et de la liberté. Donc c'était notre devoir de le mener à terme", relève Behtash Sanaeeha.

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