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Après les nuits d'hôtel et les dépannages chez des particuliers, Marie et ses enfants dorment dans un centre culturel de la banlieue de Lyon, avec une trentaine de familles sans domicile, victimes de la crise de l'hébergement d'urgence.
Les cris des enfants emplissent le centre culturel et de la vie associative de Villeurbanne, occupé depuis mercredi dans le cadre d'une action destinée à tirer la sonnette d'alarme sur leur précarité.
Ils courent, ils dessinent, ils dorment sur des matelas de fortune. Ils ont hâte d'arriver au dîner car ce soir, "c'est crêpes", rapporte avec un regard gourmand une petite fille d'origine albanaise, donnant un semblant de normalité à une situation qui ne l'est pas.
Le collectif Jamais sans toit recense actuellement 311 enfants sans hébergement dans la métropole lyonnaise, dont 33 bébés. La députée Marie-Charlotte Garin (EELV), qui évoque "2.822 enfants qui dorment dehors" au niveau national.
Marie a, elle, trois garçons de 19, 11 et neuf ans. D'origine guinéenne, elle est arrivée en France, il y a un peu plus d'un an. Dans l'attente de clarifier sa situation administrative, elle enchaîne les dépannages: nuits à l'hôtel payées par des associations, chez un militant quelques mois, exceptionnellement sur son lieu de travail...
"C'est traumatisant, si ce n'était pas pour les enfants, je ne pourrais pas tenir", confie-t-elle à l'AFP, en évoquant l'angoisse chaque jour de ne pas savoir où la famille dormira, l'insécurité dans la rue, les injures aussi: "C'est comme si on était des délinquants".
Une jeune femme marocaine, qui participe aussi à l'occupation, raconte qu'elle a vécu dans un squat à Lyon, avec son compagnon et son nourrisson, jusqu'à son évacuation fin octobre. Huit jours d'hébergement leur ont alors été accordés. Depuis, ils sont à la rue.
"C'est très dur (...), tu es avec un bébé dans ce froid-là", se désole-t-elle, son fils de sept mois endormi dans les bras. "Tu ne sais pas quoi faire. Quand tu tapes à une porte, tout le temps ils te disent: +Non, on peut rien faire pour toi+".
- "Jamais aussi tôt" -
La situation n'est pas nouvelle. Mais les occupations d'écoles, destinées à mettre ces familles à l'abri, n'ont jamais débuté aussi tôt dans la saison, selon Raphaël Vulliez de Jamais sans toit, pour qui la rentrée est "très noire".
Les banderoles ont fleuri sur une petite dizaine d'écoles de Lyon et son agglomération depuis la fin du mois de septembre: "Des enfants dorment ici", annoncent-elles. Jeudi soir, la députée Marie-Charlotte Garin s'est installée pour la nuit dans l'un de ces établissements, une action destinée à interpeller le public et surtout l'Etat.
Dans un courrier signé par une soixante de députés, principalement de la Nupes mais aussi quelques représentants de la majorité présidentielle, elle a plaidé auprès de la Première ministre Elisabeth Borne pour la création de 6.000 à 10.000 places d'hébergement supplémentaires.
"La crise de l'hébergement d’urgence est le résultat de deux crises parallèles", explique-t-elle: "Une crise de l'accueil, c'est-à-dire que l'on n’accueille pas correctement les gens dans notre pays, et de l'autre une crise du logement tout court".
Comme elle, les travailleurs sociaux déplorent un système saturé, où les logements d'urgence deviennent des solutions durables face à la pénurie de logement social et aux difficultés de certains à régulariser leur situation administrative.
"On fait quoi quand on n’a rien à proposer ?", s'interroge Maud Bigot, présidente de la fédération nationale des Samu sociaux, faisant part de sa "honte" face à son "impuissance".
La préfecture du Rhône, qui supervise 8.000 places d'urgence et 14.000 logements adaptés dans le département, estime que la création de places supplémentaires n'est pas la solution, et dit vouloir rendre plus "fluide" la sortie vers le logement social.
Début octobre, six villes en France, dont Lyon, ont annoncé un recours contre l'Etat pour réformer le système national d'hébergement d'urgence, jugé défaillant.