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Le mouvement de contestation ne faiblit pas au Sénégal, dans la tourmente depuis le report surprise de l'élection présidentielle, après des manifestations dont la répression a fait deux morts.
Une enquête a été ouverte après la mort vendredi d'un étudiant en géographie à Saint-Louis (nord) dans des circonstances encore non élucidées, et un vendeur ambulant a succombé à ses blessures samedi à Dakar, victime selon ses proches d'un tir de gendarme la veille.
Une nouvelle manifestation lancée par un collectif de la société civile, Aar Sunu Election ("Protégeons notre élection") est prévue mardi.
Le président Macky Sall a pris de court tout le monde en reportant les élections à trois semaines du scrutin, une décision entérinée par l'Assemblée nationale qui voté un ajournement de l'échéance électorale au 15 décembre, après avoir expulsé par la force les députés de l'opposition.
L'Assemblée a aussi voté le maintien au pouvoir de M. Sall jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, vraisemblablement début 2025. Son deuxième mandat expirait officiellement le 2 avril.
- "coup d'Etat constitutionnel" -
Ce report a soulevé une indignation largement partagée sur les réseaux sociaux, l'opposition criant au "coup d'Etat constitutionnel".
Les partenaires internationaux du Sénégal ont marqué leur préoccupation et appelé à organiser des élections le plus rapidement possible.
Dans un entretien au quotidien La Tribune, à paraître dimanche, le ministre sénégalais des Affaires étrangères Ismaïla Madior Fall a indiqué qu'il s'était entretenu avec son homologue français Stéphane Séjourné vendredi après-midi. "Nous avons abouti à une compréhension commune de la situation", a-t-il affirmé.
Des manifestations ont eu lieu samedi à Paris et Berlin contre le président Sall, qualifié de "dictateur".
"Nous prenons à témoin la communauté régionale et internationale, face aux dérives de ce pouvoir finissant" du président Macky Sall, a lancé à Dakar Khalifa Sall, l'un des principaux candidats à la présidentielle.
La coalition du candidat antisystème Bassirou Diomaye Faye, qui a reçu le soutien de la figure de l'opposition Ousmane Sonko, a dénoncé "la brutalité des forces de sécurité qui ont exercé des violences inouïes".
Elle a salué "les efforts" pour "faire barrage au coup d'Etat constitutionnel" du président Sall et maintenir la présidentielle le 25 février.
Vendredi, des manifestations d'ampleur contre le report des élections ont eu lieu dans tout le Sénégal, aussitôt dispersées par les forces de sécurité.
Dans la capitale, la police a fait un usage abondant de gaz lacrymogènes pour tenir à distance les personnes. Des manifestants ont riposté en lançant des pierres et en érigeant des barricades avec des objets de fortune.
Le décès vendredi dans la ville historique de Saint-Louis d'un étudiant, Alpha Yoro Tounkara, 22 ans, a suscité une vive émotion. Des centaines de ses camarades de l'université Gaston Berger ont veillé et prié toute la nuit.
"Il était non seulement un brillant étudiant, mais aussi un camarade aimé et respecté", a écrit Cheikh Ahmadou Bamba Diouf, président du club de géographie de l'université.
Les circonstances de sa mort ne sont pas encore connues mais le procureur de la République de Saint-Louis a annoncé l'ouverture d'une enquête. Le ministre de l'Intérieur a assuré dans un communiqué "que les forces de défense et de sécurité ne sont pas intervenues dans le campus universitaire où le décès est survenu".
- Tué par balle -
Modou Gueye, 23 ans, est la deuxième victime des manifestations. Il était un marchand ambulant à Colobane, un quartier animé de Dakar, où il vendait des maillots et des drapeaux. "Il y a eu des tirs de grenades lacrymogènes, et ensuite on est allé à la gare du TER de Colobane pour rentrer", a raconté à l'AFP son frère, Dame Gueye.
"C’est là-bas qu'un gendarme lui a tiré une balle réelle au ventre" vendredi, a-t-il affirmé. "C’est moi qui lui ai tenu son sac quand il est tombé", a-t-il dit.
"Il a subi deux opérations cette nuit et malheureusement, il a succombé à ses blessures ce matin" samedi, a précisé à l'AFP Mbagnick Ndiaye, son beau-frère.
L'information n'a pas été confirmée par les autorités.
L'appel à protester vendredi avait été diffusé sur les réseaux sociaux, sans possibilité de déterminer précisément qui en était à l'initiative. De telles manifestations sont généralement interdites dans le pays.
Reporters sans Frontières (RSF) s'est "indigné" du ciblage d'au moins cinq journalistes par les policiers à Dakar.
Le Sénégal a été régulièrement secoué depuis 2021 par des épisodes de contestation liées à des procédures judiciaires contre Ousmane Sonko, aujourd'hui incarcéré, avec des dizaines de personnes tuées et des centaines arrêtées.