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L'OMC a appelé lundi à des réformes du système commercial multilatéral au premier jour de sa réunion ministérielle à Abou Dhabi, avertissant que les tensions géopolitiques et économiques menacent le commerce mondial.
Cette réunion est la première en deux ans, et l'Organisation mondiale du commerce espère des résultats, notamment sur la pêche, l'agriculture et le commerce électronique.
Mais les négociations, qui entreront dans le vif du sujet mardi, s'annoncent très difficiles en raison des divergences et car la règle du consensus prévaut à l'OMC, donnant un droit de veto à chacun de ses 164 membres.
"Le multilatéralisme est attaqué de toute part. Et il ne s'agit pas seulement de l'OMC", a déclaré la directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce, Ngozi Okonjo-Iweala, appelant la communauté internationale à une plus grande "coopération" et à "réformer le système commercial international".
"L'incertitude et l'instabilité sont omniprésentes", a-t-elle ajouté, en référence aux tensions géopolitiques et économiques, telles que la guerre en Ukraine et les attaques contre des navires en mer Rouge.
Réitérant sa mise en garde contre une "fragmentation" du commerce international, elle a redit aux journalistes - comme elle l'avait fait en janvier - s'attendre à un abaissement des prévisions de l'OMC pour le commerce mondial de marchandises, sans donner de chiffre. Initialement, l'OMC s'attendait à un rebond à 3,3%.
"En cas de fragmentation, ce serait très couteux pour le monde, tant pour les pays développés que pour les pays en développement", a-t-elle assuré.
Ouvrant la conférence, le ministre d'Etat émirati au Commerce extérieur, Thani al-Zeyoudi, a aussi fait le voeu que la réunion soit "une rampe de lancement" pour des réformes, notamment de l'OMC.
"Le monde a changé, et les institutions telles que l'OMC doivent évoluer elles aussi. Mais cela ne signifie pas que l'OMC soit obsolète. Au contraire, c'est précisément la raison pour laquelle nous devons faire avancer l'indispensable réforme de l'Organisation", a renchéri le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis.
En 2022, les pays membres de l'OMC avaient décidé d'entamer des discussions pour réformer l'organisation, afin d'améliorer son efficacité mais aussi surtout pour remettre en état de marche, avant la fin 2024, son système de règlement des conflits commerciaux.
L'organe d'appel de ce mécanisme est dysfonctionnel depuis fin 2019 suite au blocage par les Etats-Unis du renouvellement des juges, une pratique initiée sous l'administration de Barack Obama et que Donald Trump et Joe Biden ont poursuivie.
Mais Mme Okonjo-Iweala a souligné que l'engagement de l'administration Biden auprès de l'OMC était "constructif". "Est-ce qu'il y a un manque de leadership (des Américains)? Je ne le pense pas", a-t-elle dit.
- Feuille de route ? -
Sur la réforme, un projet de texte est sur la table mais pour l'instant la question de la phase d'appel n'y figure pas, créant une certaine impatience chez certains pays.
L'OMC "doit rétablir un système de règlement des différends pleinement opérationnel et qui fonctionne bien afin de préserver le droit des membres à défendre leurs propres intérêts", a lancé le ministre du Commerce chinois, Wang Wentao, alors qu'actuellement plus d'une trentaine de litiges commerciaux attendent d'être examinés en appel.
Les pays espèrent qu'Abou Dhabi puisse au moins jeter une feuille de route pour la réforme.
Cette ministérielle est vue comme la dernière possibilité de faire avancer les discussions sur la réforme avant une possible nouvelle élection de Donald Trump, qui durant son premier mandat avait lancé une guerre commerciale avec la Chine, bloqué la capacité de l'organisation à trancher les litiges commerciaux et menacé de la quitter.
La représentante américaine au Commerce (USTR), Katherine Tai, a tenu à rassurer, affirmant que "la réforme figure clairement à l'ordre du jour cette semaine" à Abou Dhabi.
Mais, souligne, Marcelo Olarreaga, professeur à la Faculté d'économie de l'Université de Genève, avec les élections américaines cette année, "on ne peut pas s'attendre à d'énormes concessions des Etats-Unis dans quoi que ce soit à l'OMC. L'administration Biden ne peut pas se permettre de faire des concessions énormes".