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Quand les "pride" LGBT+ investissent les campagnes

Ils se revendiquent "pédales rurales" ou "queers de cambrousse": convaincus que le monde rural n'est pas plus homophobe que les grandes métropoles, de plus en plus de militants LGBT+ organisent des "marches des fiertés" dans de toutes petites villes, voire des villages.

Aux côtés de Paris (samedi prochain), Marseille (le 1er juillet), ou encore Lyon, Bordeaux ou Toulouse (le 10 juin), le calendrier 2023 des "Pride" affiche des étapes dans des villes de moins de 20.000 habitants, comme Lons-le-Saunier (Jura), Guéret (Creuse) ou Ancenis (Loire-Atlantique).

A Fécamp (Seine-Maritime), quelque 150 personnes ont ainsi participé le 11 juin à la toute première "Pride" dans cette ville de 18.000 habitants où la communauté LGBT+ n'avait jusqu'à présent "aucune visibilité", observe Paul Fouache, 22 ans, l'un des organisateurs.

"Les mentalités changent", analyse le jeune homme, membre du collectif "Rainbow'n'Caux", qui vise à faire en sorte qu'une "vie LGBT soit possible à Fécamp".

En Corse, une "Pride" a réuni quelque 200 personnes à Bastia le 17 juin. Et le même jour, 300 personnes défilaient à Mende (Lozère), chef-lieu du département le moins peuplé de France.

"Ici, il n'y a pas de bar gay, mais pas non plus d'anonymat: tout le monde se connaît. Si quelqu'un vient à notre Pride, il doit s'attendre à ce que toute la Lozère soit au courant", ironise Thomas Cruz, l'un des organisateurs.

Pour le sociologue Arnaud Alessandrin, spécialiste du genre et de l'identité sexuelle, "il n'y a jamais eu autant de marches des fiertés dans les petites villes ou les campagnes". Cela s'explique par le fait que les gays et lesbiennes qui "ont connu la vie dans les grandes villes" et se sont installés dans le monde rural y "transposent la nécessité d'une communauté et d'une visibilité", explique-t-il.

- Balle de foin arc-en-ciel -

L'idée a longtemps prévalu qu'il serait plus facile de vivre son homosexualité en ville que dans des campagnes réputées plus conservatrices, mais la réalité est "plus complexe", insiste l'universitaire, notamment car "dans les villes, l'espace public peut être discriminant": plus visibles, les personnes LGBT+ y sont plus exposées aux insultes ou violences.

Pour Flora Bolter, de l'observatoire LGBTI+ de la Fondation Jean Jaurès, vivre son homosexualité à la campagne peut surtout être difficile pour les personnes "pas en couple, isolées, qui ne se sont pas fait connaître comme LGBT", car elles peuvent alors se "sentir seules au monde".

En revanche, "une fois que les gens s'affirment et vivent en couple, il n'y a pas de raison que ça se passe plus mal que dans les villes", ajoute-t-elle. En ce sens, les "Pride" en milieu rural peuvent répondre aux "attentes des jeunes qui ont besoin de socialisation et de soutien", estime Mme Bolter.

A la campagne, "l'homophobie, ça existe", mais il peut être plus facile d'y démonter les idées reçues, analyse pour sa part Léo (il n'a pas souhaité décliner son nom), l'un des organisateurs de la "pride" organisée depuis trois ans à Villefranche-de-Rouergue (Aveyron, 11.000 habitants).

Le collectif LGBT+ local y tient des stands sur les marchés pour dialoguer avec la population locale, explique le jeune homme. "Certaines personnes sont peu informées, mais quand on discute, elles peuvent se remettre en question. Alors qu'en ville, les idées reçues sont ancrées", pense le jeune militant.

Dans le Poitou, c'est un village de 450 habitants, Chenevelles, qui accueillera le 29 juillet la deuxième édition de ses "Fiertés rurales". Cette "Pride des campagnes", dont l'affiche arbore une balle de foin aux couleurs arc-en-ciel, entend contribuer à "rendre les campagnes plus attractives pour les personnes LGBT", dont certaines "aspirent à un mode de vie rural", affirment les organisateurs.

"Les gens sont plus tolérants" en milieu rural, affirme le maire du village, Cyril Cibert, lui-même homosexuel. Avec cette manifestation, "on célèbre le vivre-ensemble", entre militants LGBT et "agriculteurs du coin", s'enthousiasme l'édile. "Je peux comprendre que certains aient peur du qu'en-dira-t-on, mais une journée comme celle-ci peut aider à changer les mentalités", veut croire l'élu.

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