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Un "agent illégal": la Norvège pourrait avoir mis la main sur un gros poisson du renseignement russe

Avec l'arrestation d'un individu se présentant comme un chercheur brésilien, les services de contre-espionnage norvégiens (PST) pourraient avoir mis la main sur un gros poisson du renseignement russe, une prise rare dans un contexte de fortes tensions entre Moscou et l'Occident.

Admis au cours de l'automne 2021 comme conférencier à l'université norvégienne de Tromsø, dans la région stratégique de l'Arctique, l'individu a été arrêté lundi par la police et placé, dans un premier temps, en internement pour violation des lois sur l'immigration, en vue d'une expulsion. Les services norvégiens estimant qu'il s'agissait en réalité d'un Russe agissant pour le compte des renseignements russes, une enquête a depuis été ouverte pour "espionnage illégal dirigé contre des secrets d'Etat de nature à nuire aux intérêts fondamentaux de la nation", des faits passibles de trois ans de prison.

Vendredi, le PST a identifié le suspect comme étant Mikhaïl Mikouchine, un Russe né en 1978, alors que l'intéressé, qui possède un passeport brésilien, se présente comme étant un Brésilien de 37 ans répondant au nom de José Assis Giammaria. Derrière le nom de Mikhaïl Mikouchine se cache un officier du renseignement militaire russe (GRU), selon un chercheur du site d'investigation Bellingcat. "Bon boulot, la Norvège. Vous avez mis le grappin sur un colonel du GRU", a tweeté Christo Grozev, sur la foi de sa domiciliation enregistrée au sein de l'académie de ce service.

De la tentative d'empoisonnement à Salisbury (Royaume-Uni) de l'ancien espion russe Sergueï Skripal à celle de piratage de l'Organisation internationale pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) à La Haye, des agents du GRU ont été impliqués dans plusieurs affaires retentissantes ces dernières années.

Selon le PST, Mikhaïl Mikouchine est un "agent illégal", c'est-à-dire un espion qui tente de se fondre durablement dans un pays étranger pour y tisser un réseau de contacts, mettre en place des canaux d'information et s'introduire dans des milieux disposant d'informations sensibles. Il a été arrêté dans le cadre d'une collaboration avec d'autres services de renseignements.

Débusquer de tels agents est extrêmement complexe et rare. Ce fut le cas d'Anna Chapman, une femme d'affaires russe établie à New York, arrêtée avec neuf autres agents en 2010.

"Espionnite"

L'homme mis cause en Norvège rejette les accusations portées contre lui mais a accepté sa mise en détention provisoire dans le cadre d'une procédure simplifiée vendredi. Un tribunal d'Oslo a ordonné le même jour qu'il soit placé derrière les barreaux pour quatre semaines, les deux premières en isolement total pour éviter la disparition de preuves.

Au sein de l'université de Tromsø, le chercheur travaillait sur la politique norvégienne dans le Grand Nord --où la Norvège partage 198 km de frontière avec la Russie-- et sur les menaces hybrides, selon le contre-espionnage. "Le seul fait de s'introduire dans des milieux de chercheurs qui sont les fournisseurs des autorités pour la définition de leur politique est d'un véritable intérêt national", a fait valoir un responsable du PST, Thomas Blom, lors d'une conférence de presse vendredi.

Les médias norvégiens ont publié des photos du suspect montrant un homme à la forte carrure et au crâne rasé. Avant de venir en Norvège, il avait étudié au Centre pour les études militaires et stratégiques de l'université canadienne de Calgary.

Sur fond de tensions aiguës avec l'Occident en raison de la guerre en Ukraine, l'ambassade de Russie en Norvège a de son côté dénoncé "l'espionnite" qui a cours selon elle dans le pays scandinave. Dans un courriel à l'AFP mercredi, elle soulignait ne pas savoir "de qui ni de quoi il s'agit".

Devenue le premier fournisseur de gaz de l'Europe depuis la réduction des livraisons russes, la Norvège a renforcé sa vigilance et la sécurité autour des ses installations stratégiques, notamment énergétiques.

Ces dernières semaines, la police norvégienne a arrêté près d'une dizaine de citoyens russes accusés d'avoir fait voler des drones au-dessus du territoire, en violation d'une interdiction décrétée à cause de la guerre en Ukraine, ou d'avoir enfreint des interdictions de prendre des photos sur des sites sensibles.

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