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La "qualité de l'accueil" n'est pas toujours au rendez-vous dans certaines crèches, où les bambins peuvent être exposés à des risques de négligences, voire de maltraitance, souligne un rapport remis mardi au gouvernement, qui appelle à un "changement de regard" sur un secteur longtemps considéré sous le seul prisme du manque de places.
La situation est "très disparate" d'un établissement à l'autre, le meilleur côtoyant le pire, s'alarme l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), qui préconise de profondes réformes pour mieux prévenir les maltraitances aux enfants.
Ce sujet est "trop peu interrogé", alors même que "les zones de risque et les faits remontés sont identiques à ceux que l'on constate dans tout accueil de personnes vulnérables et dépendantes", c'est-à-dire dans les maisons de retraite ou les établissements pour personnes handicapées, relèvent les auteurs du rapport.
L'Igas avait été missionnée par le gouvernement après la mort d'un bébé de 11 mois dans une crèche privée à Lyon en juin, une affaire dans laquelle une salariée a été mise en examen, soupçonnée d'avoir fait ingérer à l'enfant un produit caustique.
Pour mener leurs travaux, les inspecteurs se sont rendus dans 36 établissements publics et privés à travers la France. Ils ont également diffusé un questionnaire auquel ont répondu 5.275 directeurs, 12.545 salariés de crèches et 27.671 parents.
Beaucoup d'adultes interrogés ont décrit des situations s'apparentant à de la maltraitance, soulignent les auteurs, évoquant des enfants oubliés sur les toilettes, privés de sieste faute de lits en nombre suffisant, ou au contraire qu'on laisse pleurer jusqu'à ce qu'ils s'endorment.
- "Tu chouines pour rien" -
D'autres témoignages font état d'enfants à qui on ne donne pas à boire, "comme ça, on change moins les couches", que l'on laisse trop longtemps dans leur couche souillée, que l'on humilie ou insulte ("tu chouines pour rien", "tu sens mauvais"...), que l'on nourrit de force en leur pinçant le nez pour qu'ils ouvrent la bouche, ou même que l'on maltraite physiquement en leur tirant les cheveux ou en les attachant à un radiateur.
Face à ces constats, "l'ensemble des recommandations" du document seront prises en compte, a assuré dans un communiqué le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, qui souhaite "agir rapidement".
M. Combe devrait annoncer des mesures dans le courant du printemps, dans le cadre du "service public de la petite enfance" promis par le président Macron: ce chantier a une dimension quantitative, avec la création nécessaire de davantage de places, mais aussi une dimension qualitative, a souligné l'entourage du ministre.
"Jusqu'à présent, l'accueil de la petite enfance a d'abord été vu comme un service fait aux familles, pour concilier vie familiale et vie professionnelle, et moins comme un service pour les tout petits", a commenté de son côté Elisabeth Laithier, rapporteure générale de la concertation lancée par le gouvernement sur ce dossier. Ce rapport est "l'occasion d'un changement de paradigme, on est à tournant", a-t-elle dit à l'AFP.
Pour l'Igas, rehausser la qualité de l'accueil doit passer par un renforcement des contrôles, un relèvement des taux d'encadrement et du niveau de qualification des professionnels, mais aussi par un mode de financement des établissements conditionné à des objectifs de qualité.
Les rapporteurs soulignent également la nécessité de remédier au manque d'attractivité des métiers de la petite enfance, qui entraîne un sous-effectif chronique et donc un épuisement des professionnels en poste. Il s'agit là d'un "facteur aggravant autant que (d'un) symptôme" des difficultés à bien accueillir les enfants, selon eux.
Les difficultés à recruter relèvent d'un "cercle vicieux", analyse-t-on dans l'entourage du ministre: "plus la pénurie de de personnel est forte, plus les salariés sont sous tension, plus il y a de départs, et plus la pénurie s'aggrave". Pour tenter d'y remédier, une campagne de communication va justement être lancée ce vendredi.
Pour l'Igas, la crèche, un endroit bruyant et agité, n'est de toute façon pas forcément le lieu de vie idéal pour un bébé de moins d'un an. Elle appelle en conséquence à "revoir la durée et les règles de rémunération des congés maternel, paternel et parentaux" pour "accroître la possibilité de présence parentale auprès de l'enfant pendant la première année de vie".