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La justice vénézuélienne a réitéré mercredi les accusations de "conspiration" contre l'avocate de défense des droits humains, Rocio San Miguel, placée en détention et dont des manifestants ont demandé la libération, dénonçant une "escalade" contre la société civile à quelques mois d'élections générales.
Des membres d'ONG se sont réunis à Caracas aux cris de "Libérez Rocio".
"Rocio San Miguel est détenue dans le cadre de la politique de l'Etat vénézuélien visant à criminaliser les organisations de la société civile et leurs membres (...). Nous assistons à une escalade dans la criminalisation et la répression", a déclaré à l'AFP l'avocate Andrea Santacruz, de l'ONG Civilis, "certaine qu'elle n'est impliquée dans aucun acte illicite".
Mme San Miguel, de nationalité vénézuélienne et espagnole, est accusée de "trahison", "terrorisme" et "conspiration", car "directement liée" à un attentat qui visait à assassiner le président Nicolas Maduro, a déclaré le procureur général Tarek William Saab lors d'une conférence de presse.
"Elle avait une mission dans le cadre de ce complot, qui a même été détaillé par les officiers militaires en détention", a affirmé M. Saab. "Sa mission consistait à communiquer en temps réel l'évolution des actions terroristes qui allaient être mises en place".
L'avocate de 57 ans, directrice d'ONG et spécialiste des questions militaires, a été arrêtée le 9 février à l'aéroport de Caracas alors qu'elle s'apprêtait à quitter le Venezuela.
Son arrestation intervient alors que le gouvernement a annoncé avoir déjoué cinq complots, impliquant selon la justice des militaires, des journalistes et divers militants.
Quelque 19 personnes ont été arrêtées dans le cadre de cette affaire et 15 mandats d'arrêt ont été émis, a indiqué M. Saab, qui a dénoncé "une campagne féroce menée depuis l'étranger contre la justice et l'Etat vénézuéliens".
Les Etats-Unis et l'UE ont dit mardi être "profondément préoccupés" par le sort de l'avocate, l'ONU dénonçant un "plan coordonné visant à réduire au silence les critiques et les opposants présumés".
- "Porte tournante" -
Depuis l'arrestation, rendue officielle dimanche après une comparution devant un tribunal, les avocats de Mme San Miguel, qui avaient dénoncé "une disparition forcée", se plaignent de n'avoir toujours pas pu s'entretenir avec leur cliente.
"Les violations de ses droits et garanties fondamentales se poursuivent", a écrit mercredi sur le réseau social X Me Joel Garcia. "Nous sommes aux portes du tribunal pour être désignés comme avocats de la défense, mais cela n'a pas été possible en raison de l'absence du juge", a-t-il pesté.
Me Garcia s'est également inquiété de perquisitions en cours au domicile de l'avocate. "Nous craignons qu'ils aient pu y déposer des preuves", a-t-il rapporté sur X.
Le procureur général se défend d'une procédure entièrement respectée. "Expliquez-moi une disparition forcée lorsque quelqu'un est traduit devant le tribunal", a-t-il lancé.
L'arrestation de Mme San Miguel s'inscrit dans le cadre d'un système que les experts appellent la "porte tournante", qui consiste à libérer des personnes emprisonnées et en même temps procéder à de nouvelles arrestations.
"La porte tournante a été une stratégie du régime (...) nous le voyons très bien avec cette affaire car à travers les négociations de l'accord de La Barbade, certaines personnes ont été libérées et maintenant d'autres sont à nouveau emprisonnées", a déclaré à l'AFP Alfredo Romero, de l'ONG Foro Penal, qui défend les "prisonniers politiques".
En décembre dernier, 10 Américains et 24 autres prisonniers politiques vénézuéliens ont été libérés à la suite d'un accord entre le gouvernement et l'opposition à l'approche des élections présidentielles, pour lesquelles M. Maduro est un candidat naturel à la réélection.
En échange, les Etats-Unis ont libéré Alex Saab, accusé de blanchiment d'argent et considéré comme un homme de paille de Maduro par Washington.
"Il est devenu habituel d'inventer des affaires contre des personnes pour justifier de prétendues attaques", a ajouté M. Romero.