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Vingt ans après sa chute, Saddam Hussein encore vénéré en Jordanie

Vingt ans après la chute de son régime, l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein continue de susciter l'admiration de nombreux Jordaniens, qui voient en lui un "héros" des causes arabe et palestinienne.

Alors que ses portraits et les symboles associés à son règne ont complètement disparu de la vie publique en Irak, son visage est omniprésent en Jordanie, que ce soit sur les autocollants ornant les vitres des voitures ou les coques de téléphones portables à son effigie.

Le 20 mars 2003, 150.000 Américains et 40.000 Britanniques sont déployés pour une intervention éclair. Trois semaines suffisent pour sceller le sort du régime de Saddam Hussein et prendre le contrôle de Bagdad, le 9 avril.

Après une traque de neuf mois, il est arrêté le 13 décembre 2003 puis jugé et pendu fin 2006.

Son parti, le Baas, est dissous à la suite de l'invasion, et désormais, toute personne exhibant ses photos ou des slogans liés à son régime déchu peut faire l'objet de poursuites judiciaires.

Dans les rues du vieux Bagdad, on trouve néanmoins dans des magasins d'antiquités diverses reliques arborant le visage de l'ancien dictateur. "Je vends cela à des collectionneurs", confie un vendeur qui souhaite rester anonyme.

Chez un horloger de la vieille ville, on trouve, si l'on insiste un peu, des montres avec le visage de l'ex-dirigeant datant des années 90.

L'une d'entre elles coûte 400 dollars, indique l'horloger, qui lui aussi souhaite conserver l'anonymat. Il exprime à demi-mot sa crainte de ce que le gouvernement actuel pourrait penser de son commerce.

En Jordanie toutefois, le visage de Saddam s'affiche de façon plus débridée et de nombreux Jordaniens expriment ouvertement leur nostalgie pour l'ex-homme fort de l'Irak.

- "Nous l'aimons" -

"Des dizaines de milliers de Jordaniens ont obtenu des diplômes dans des universités irakiennes grâce à des bourses offertes" sous Saddam, explique à l'AFP le député jordanien Khalil Attiyeh.

Saddam Hussein a également soutenu la cause palestinienne et aidé "les familles des martyrs palestiniens à reconstruire les maisons démolies par l'ennemi" israélien, ajoute-t-il.

C'est pour ces raisons que "les Jordaniens l'adorent, ne l'oublient pas et conservent ses photos, montrant leur loyauté envers ce leader héroïque", explique le député.

Salameh Blewi, un entrepreneur de 67 ans qui fréquentait Bagdad dans les années 80, le qualifie de "dirigeant arabe digne et honnête, aux positions honorables".

"Malgré la guerre avec l'Iran (1980-1988), l'Irak était un pays riche, mais après Saddam, le pays a été pillé par les corrompus", lance-t-il.

Depuis la chute du régime, "l'argent gaspillé a dépassé les 600 milliards de dollars" pour aller dans les poches des "corrompus et des partis au pouvoir", a accusé l'ancien Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi dans une interview télévisée en mars.

Les pertes humaines sont elles aussi considérables: de 2003 à 2011, année du retrait de l'armée américaine, plus de 100.000 civils irakiens ont été tués, selon l'organisation Iraq Body Count. Les Etats-Unis ont déploré près de 4.500 morts.

"Ce n'est pas la chute du régime de Saddam, c'est la chute de l'Irak", lance Shaher Abu Sharkh, 67 ans, qui vend des accessoires de téléphonie mobile à Amman.

"Les Jordaniens sont convaincus que Saddam Hussein (...) a vaillamment défendu les causes arabes. Nous l'aimons tous", assure ce commerçant.

Pour Zuhair Amleh, un vendeur de livres anciens sur la place Hachemite à Amman, l'Irak "ne peut pas redevenir ce qu'il était".

- "Héros et sauveur" -

Les Jordaniens considèrent l'ancien dirigeant "comme un héros et un sauveur dont la mission était de développer la nation arabe à tous les niveaux", insiste le député Khalil Attiyeh.

Selon lui, Saddam Hussein a été "le seul dirigeant arabe à mettre en place une industrie militaire ayant permis de (tout) fabriquer, des balles aux missiles, et à avoir bombardé l'entité sioniste (Israël) avec 39 missiles fabriqués par l'Irak".

"S'il était encore en vie, beaucoup de choses ne se seraient pas produites", souffle pour sa part Anas Nahas, 19 ans, qui propose dans son échoppe des housses de téléphones à l'effigie de l'ancien dictateur.

Il cite tour à tour "les crimes de l'occupation israélienne contre notre peuple en Palestine", les guerres en Syrie et au Yémen et "l'humiliation que subissent les Arabes".

"Les Arabes considéraient Saddam comme le leader de la nation" arabe, confirme un ancien diplomate irakien, qui était en poste à Amman.

L'ancien tyran irakien "s'est fait aimer de nombreux Arabes en Jordanie, en Palestine, en Egypte et dans d'autres pays de son vivant, et même après sa mort", dit-il.

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