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L'escalade des violences en Birmanie place les pays d'Asie du Sud-Est "devant un choix décisif", a averti mardi un haut responsable indonésien au premier jour d'un sommet régional où ce sujet figure en tête des préoccupations.
La Birmanie s'enfonce dans une crise politique et humanitaire depuis un putsch militaire en février 2021 contre le gouvernement démocratique d'Aung San Suu Kyi, suivi d'une répression sanglante par la junte.
L'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), critiquée pour son inaction, a tenté de résoudre la crise par la voie diplomatique.
Mais les efforts du groupe de dix pays ont été vains jusqu'à présent, alors que la junte birmane ignore les condamnations internationales et refuse de parler avec les opposants au régime militaire.
Mi-avril, des attaques aériennes meurtrières dans la région de Sagaing, dans le centre de la Birmanie, ont fait au moins 170 morts.
Cette escalade des violences a renouvelé les pressions pour que l'Asean passe à l'action, faute de quoi le bloc risque d'être marginalisé.
"L'Asean est devant un choix décisif", a déclaré Mahfud MD, le ministre indonésien coordinateur des Affaires politiques, de la Justice et de la Sécurité.
"Crise après crise, la force de notre communauté est mise à l'épreuve. Un échec risque de nous faire perdre toute pertinence", a-t-il lancé, selon une transcription d'un discours dans lequel il place la Birmanie en tête des questions urgentes.
L'Asean est régulièrement critiquée pour son inaction, mais la marge de manoeuvre de l'organisation régionale, fondée en 1967, est limitée par sa charte qui promeut les principes de consensus et de non interférence.
- Crime de guerre -
L'ONG Human Rights Watch a estimé mardi que les frappes dans la région de Sagaing le mois dernier étaient "probablement un crime de guerre" et a conjuré l'Asean de "soutenir des mesures plus fortes pour priver les militaires de leurs sources de revenus et insister pour que la junte accepte des changements".
La pression sur l'alliance régionale s'est encore accentuée après qu'un convoi transportant des diplomates et des responsables apportant de l'aide humanitaire fournie par l'Asean a été pris dimanche dans des échanges de tirs dans l'est de la Birmanie.
Le convoi, comprenant deux représentants de l'ambassade d'Indonésie et deux de celle de Singapour à Rangoun, a été visé dimanche en Etat Shan, sans faire de victimes.
Singapour et l'Indonésie, qui préside l'Asean cette année, ont condamné cette attaque.
Les deux diplomates indonésiens "sont en bonne santé", a précisé un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
L'incident est survenu juste avant le sommet, organisé jusqu'à jeudi sur l'île indonésienne de Flores et au cours duquel les dirigeants de 10 pays de la région vont tenter de relancer un plan en cinq points visant à mettre fin aux violences en Birmanie.
Le département d'Etat américain a indiqué être "très inquiet" de cette fusillade et a appelé la junte birmane à "appliquer réellement le consensus en cinq points", conclu avec le régime militaire il y a deux ans et resté largement lettre morte.
Les ministres des Affaires étrangères du bloc tenaient mardi leur réunion à Labuan Bajo (est de l'Indonésie), qui sera suivie de celle des chefs d'Etat et de gouvernement mercredi et jeudi.
L'armée a déployé plus de 9.000 soldats et des navires de guerre dans la petite ville de pêcheurs qui sert aussi de base aux touristes pour visiter un parc national qui abrite les dragons de Komodo, les plus grands lézards au monde.
La ministre indonésienne des Affaires étrangères, Retno Marsudi, a indiqué aux journalistes qu'elle avait "beaucoup" discuté avec ses homologues de la Birmanie, notamment de l'attaque de dimanche, sans donner plus de détails.
La Birmanie reste membre de l'Asean mais s'est vu interdire la participation aux réunions de haut niveau à cause de son échec à appliquer le plan.
Le pays était représenté par une chaise vide à la réunion des ministres des Affaires étrangères mardi.
Zachary Abuza, un analyste établi aux Etats-Unis, a indiqué à l'AFP ne pas s'attendre à ce que l'Asean publie autre chose qu'un "communiqué insipide de condamnation" malgré l'attaque de dimanche.