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Ils souhaitent que leur préjudice soit reconnu et indemnisé: six acquittés de Viry-Châtillon, qui ont passé entre un et quatre ans en prison car accusés d'avoir attaqué des policiers au cocktail Molotov en 2016 dans l'Essonne, ont demandé lundi réparation devant la justice.
L'audience s'est tenue dans une petite salle de la cour d'appel de Paris, à quelques mètres de là où ils ont été définitivement innocentés, de manière retentissante, au printemps 2021.
Même si la procédure, civile, est principalement écrite et technique, la présidente de la chambre a laissé les deux jeunes présents prendre la parole pour évoquer cette détention provisoire injustifiée.
"C'est un peu difficile de trouver les mots, ça a été très douloureux. J'essaie d'avancer mais ça a été très dur pour moi", a témoigné l'un d'eux, qui a effectué deux ans et dix mois de détention.
"Cette histoire m'a marqué à vie", a ajouté l'autre, qui raconte maintenant dans des morceaux de rap, sous le pseudonyme Kossdar, le calvaire de ses quatre ans derrière les barreaux.
"Nous aurions souhaité que ça soit l'audience de la réhabilitation de la parole de ceux qui ont été acquittés", a expliqué son avocate, Me Sarah Bounoughaz. "Il est temps que lui aussi bénéficie du statut de victime qui est le sien", a-t-elle ajouté.
Ces six hommes originaires du quartier sensible de la Grande Borne font partie des huit acquittés du procès de l'attaque des policiers brûlés à Viry-Châtillon en octobre 2016. Comme tous ceux qui ont été mis en cause dans ce dossier, ils étaient mineurs ou jeunes majeurs au moment des faits.
Cinq de leurs co-accusés ont été condamnés en appel à des peines allant jusqu'à 18 ans de prison.
Le choc carcéral, leurs conditions de détention difficiles, l'absence à des évènements familiaux importants (mariages, enterrements), la perte d'emploi ou l'abandon d'études étaient lundi au centre des débats.
"J'entends que cette affaire est dramatique et j'entends la souffrance de ces jeunes hommes qui ont été placés en détention provisoire", a assuré l'avocate de l'agent judiciaire de l'Etat (AJE), qui a précisé vouloir indemniser "le plus justement possible".
- "Cauchemar" -
Pour des périodes allant de 11 mois à 4 ans et 2 mois de prison, l'AJE a proposé entre environ 19.000 et 200.000 euros. Les avocats, eux, demandent entre 55.000 et près d'un million d'euros.
Ils ont tous fait état de troubles psychologiques pour ces jeunes, à cause de leur incarcération et du battage médiatique autour de cette affaire.
"+Cauchemar+ c'est un euphémisme", a déclaré Me Arnaud Simonard, en décrivant les "conditions de détention moyenâgeuses" de son client à Bois d'Arcy: "une cellule sans plaque de cuisson, sans eau chaude, sans frigo", dans une prison où le taux d'occupation était à l'époque de 180%.
Les avocats ont aussi rappelé la particularité de cette audience d'indemnisation: l'ombre de falsifications de procès-verbaux plane sur l'enquête qui a envoyé ces jeunes en détention.
Après plusieurs plaintes, le parquet de Créteil a ouvert une information judiciaire contre X pour "faux en écriture publique", "escroquerie au jugement" et "violences volontaires", le tout par "personne dépositaire de l'autorité publique".
L'enquête, toujours en cours, n'avance pas, a regretté lundi l'une des avocates à l'origine des plaintes, Me Sarah Mauger-Poliak.
"Ces jeunes ne se sont pas porté partie civile pour l'argent, ils veulent qu'on reconnaisse leur statut de victime", a-t-elle expliqué, regrettant que ses clients n'aient toujours pas été entendus dans cette procédure.
La décision concernant l'indemnisation de ces six acquittés sera rendue le 5 juin.
Il y a deux semaines, le cas d'un autre acquitté a déjà été étudié: pour quatre mois et 20 jours de prison, l'Etat a proposé 14.000 euros de dédommagement. Son avocate, elle, a demandé 20.000 euros. La décision le concernant sera rendue le 15 mai.
Le cas du dernier des acquittés, qui a fait quatre ans de prison, sera étudié en juin.