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Les deux Corées s'affrontent mardi dans les qualifications pour la Coupe du Monde 2022 lors d'un choc historique qui va bien au-delà du football puisqu'il est le premier match à Pyongyang entre les sélections masculines des deux pays techniquement toujours en guerre, alors que la diplomatie est dans l'impasse.
Mais à 48 heures du coup d'envoi dans le stade Kim Il Sung, de nombreuses incertitudes planent toujours sur ce match au sommet que la Fédération de football asiatique (AFC) comme "une des rencontres les plus attendues".
La péninsule avait en 2018 été le théâtre d'une spectaculaire détente, promue notamment pas le président sud-coréen Moon Jae-in. Mais depuis le fiasco en février du deuxième sommet entre le président américain Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong Un, Pyongyang a multiplié les critiques à l'égard de Séoul.
Le Nord a écarté toute idée de relancer le dialogue intercoréen tout en condamnant les récentes manoeuvres militaires entre la Corée du Sud et les Etats-Unis.
Le match intervient dans le contexte d'un regain d'essais de missiles par la Corée du Nord, qui a par ailleurs quitté au début du mois la table des négociations en Suède avec les Etats-Unis.
- "Décevant" -
On est donc loin des effusions de 2018, quand M. Moon avait profité des jeux Olympiques de Pyeongchang, pour briser la glace alors que les tensions sur le nucléaire nord-coréen avaient atteint des sommets l'année précédente.
La Corée du Nord s'est refusée à parler directement au Sud de l'organisation de cette rencontre du groupe H de la deuxième phase des qualifications asiatiques. Les seules communications intercoréennes avant le match ont eu lieu par l'entremise de l'AFC.
On ignore si le match sera retransmis en direct, et on ne sait pas non plus si des Sud-Coréens pourront aller voir la rencontre, à l'exception de l'encadrement de l'équipe.
"Nous avons sondé le Nord sur ces questions au travers de différents canaux, mais nous n'avons pas encore eu de réponse", a déclaré vendredi un porte-parole du ministère sud-coréen de l'Unification, qui s'occupe des relations avec Pyongyang. "Nous trouvons cela décevant."
La Fifa s'est simplement dite en "contact régulier" avec les deux fédérations.
"Le football a le pouvoir unique de réunir les gens dans un esprit de fête et de fair play et nous espérons sincèrement que ce sera le cas le 15 octobre à Pyongyang", a indiqué un porte-parole de la Fifa.
Le conflit de 1950-1953 s'était arrêté sur un armistice, et non un traité de paix. Et les deux armées se font toujours face de part et d'autre de la zone démilitarisée qui divise la péninsule.
- "Revenir en vie" -
Les contacts entre les habitants du Nord et du Sud sont extrêmement limités. Les deux parties n'ont pas de liaison téléphonique ou postale.
Conformément au réglement de l'AFC, l'hymne de la Corée du Sud devra retentir avant le match mardi, et le drapeau sud-coréen devra également être hissé, deux choses rarissimes au Nord.
Pendant des décennies, la Corée du Nord s'est refusée à accueillir des matchs intercoréens, préférant les délocaliser en Chine. Le premier fut une rencontre amicale en 1990 censée promouvoir la réunification. Les deux équipes avaient alors arboré un même drapeau figurant l'ensemble de la péninsule.
Mais la première rencontre en compétition en Corée du Nord n'intervint qu'2017, entre les sélections féminines.
Les experts du dossier coréen ne s'attendent pas à ce que le match débloque quoi que ce soit.
"Ce n'est pas l'impression que la Corée du Nord envoie", a déclaré Shin Beom-chul de l'Institut Asan des études politiques, à Séoul. "Il est fort possible que cela ne soit qu'un événement footbalistique exceptionnel."
Après deux matches, les deux sélections sont en tête du groupe H avec six points, mais le Sud compte une meilleure différence de but après avoir écrasé le Sri Lanka (8-0).
La Corée du Sud, 37ème mondiale, sera la grande favorite face à sa voisine classée 113e. Celle-ci s'appuiera cependant sur sa jeune star Han Kwang Song qui vient de rejoindre la Juventus.
Le buteur sud-coréen de Tottenham Son Heung-min a de son côté relativisé l'importance d'un match pourtant hors du commun, en n'y voyant qu'une étape sur la route du Mondial au Qatar: "Nous ne sommes pas des touristes. Nous nous concentrerons sur le match."
Le défenseur Lee Jae-ik n'a, lui, pas fait mystère de son appréhension.
"J'ai un peu peur d'aller à Pyongyang", a-t-il dit aux journalistes. "J'espère revenir en vie."