Partager:
Un monde sépare les deux rugby, pourtant c'est bien des autres "Eagles", devenus une des meilleures équipes à VII du monde, que tente de s'inspirer l'équipe à XV des Etats-Unis, qui affrontera mercredi la France à la Coupe du monde.
Dans le groupe de 31 joueurs retenus par le sélectionneur Gary Gold figurent deux joueurs rompus à l'élite du "Sevens": le trois-quarts aile Martin Iosefo, titulaire lors de la correction face à l'Angleterre (45-7), et le troisième ligne aile Ben Pinkelman.
Parmi la cinquantaine de joueurs mobilisés pour préparer la Coupe du monde, se trouvait également Madison Hughes, capitaine de la sélection à VII, qui n'a finalement pas été conservé. Quant à l'ailier Perry Baker, la grande star de l'ovalie US, désigné meilleur joueur du monde à VII en 2017 et 2018 et un temps convoité par Toulon et Biarritz, il n'a même pas été appelé.
Tous aussi performants soient-il, ces spécialistes du VII voient immanquablement leurs qualités (réactivité, vitesse, prise d'espace) anesthésiées à XV. Il est, en outre, impossible de proposer la même intensité en deux fois 40 minutes qu'en deux fois 7.
Ces raisons, ajoutées à une science tactique qui leur fait défaut dans le rugby traditionnel, expliquent que le passage du VII au XV soit peu concluant.
- Professionnalisation en cours -
"Dès la première semaine, beaucoup de choses sont à assimiler lors des mises en place, des séances d'entraînement", confirme Iosefo. "Tout ce que vous voulez, vous, c'est prendre l'espace avec le ballon. J'ai dû m'adapter."
Si, côté américain, on peut regretter l'absence de Baker, qui aurait pu constituer sur le pré une belle vitrine en termes d'image, la raison se trouve sûrement ailleurs: les JO-2020 de Tokyo où il visera une médaille avec le VII. Un objectif réaliste pour cette équipe qui a connu de fulgurants progrès la saison passée, terminant 2e du circuit mondial derrière les champions olympiques fidjiens.
Le XV américain est encore loin de pouvoir nourrir pareille ambition au plus haut niveau mondial. A ce titre, la réussite du VII est forcément source d'inspiration.
"Mike (Friday, leur entraîneur) a réussi à améliorer leur programme. Il a la chance que le rugby à VII soit un sport olympique. Il a pu consolider son groupe, l'étendre à plus de joueurs. Et il a réussi à les garder tous ensemble. C'est ce que nous essayons de faire. Si on y arrive, je suis persuadé que les progrès de notre équipe peuvent être substantiels à court terme", a récemment déclaré Gary Gold.
Pour cela, le sélectionneur compte aussi profiter de la récente professionnalisation du XV dans son pays, avec la création en 2017 de la Major League Rugby.
Ce championnat où d'anciennes stars européennes vont bientôt évoluer, comme Mathieu Bastareaud et l'Anglais Ben Foden (New York), devra faire naître des vocations pour ce sport mineur, supplanté par sa version hybride, le football américain.
- Coupe du monde en 2027 ou 2031 ? -
"Vous vous souvenez de la Coupe du monde de football en 1994? Je ne crois pas que nous devons essayer de progresser pour prouver qu'on mérite d'accueillir le Mondial", raconte Gold alors que les médias locaux évoquent un intérêt américain pour accueillir la Coupe du monde de rugby en 2027 ou 2031
"C'est même le contraire: si les Etats-Unis l'accueillent, ça va donner un coup d'accélérateur et réveiller un intérêt dans tout le pays. On l'a vu il y a quelques années quand les All Blacks ou l'Irlande sont venus. Ils nous ont battus mais les stades étaient pleins. Si le Mondial venait aux Etats-Unis, ce serait un succès phénoménal", promet le technicien sud-africain.
Introduit aux Etats-Unis par les Anglais à la fin des années 1860, le rugby, qui compte aujourd'hui un peu plus de 130.000 licenciés, semble enfin se développer un siècle et demi plus tard.
"Si nous pouvons toucher et inspirer les jeunes qui veulent devenir des rugbymen, le chemin est tout tracé pour qu'ils intègrent notre sphère. C'est un atout sérieux pour nous", résume l'ailier Blaine Scully, passé par le VII en 2011-2013 et qui évolue depuis 2015 à Cardiff.
Pour le troisième ligne Cam Dolan, la professionnalisation "a fait grandir les joueurs américains ces deux dernières années". "On s'entraîne désormais à plein temps. Mais tu peux t'entraîner toute la journée, si tu n'as pas l'expérience des matches contre les grandes nations, difficile d'exister au niveau international..."
Chose que les "Eagles VII" sont parvenus à faire.