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Chaleur, manque de spectateurs: comme prévu, les polémiques n'ont pas manqué durant les Mondiaux d'athlétisme à Doha, renvoyant par moments une image désastreuse du premier sport olympique et mettant en lumière les limites de l'organisation d'un tel évènement au Qatar à trois ans de la Coupe du monde de football.
. Coup de chaud
Les températures extrêmes enregistrées dans l'émirat (plus de 40 degrés en journée, plus de 30 en soirée, 75% d'humidité) ont suscité d'emblée les pires inquiétudes, alimentées par les défaillances spectaculaires lors du marathon dames dès la première soirée. Si tout avait été prévu au Khalifa stadium avec un système de climatisation qui a rendu les conditions parfaitement supportables pour les athlètes, la plupart des épreuves sur route (marathon, marche) se sont déroulées dans une véritable fournaise.
Des records d'abandon ont ainsi été battus sur certaines courses (28 abandons sur 68 partantes au marathon dames, 14 sur 46 sur le 50 km marche hommes) en dépit d'une programmation de nuit et de la multiplication des points d'eau.
Face aux critiques, le président de la Fédération internationale s'est défendu en évoquant "des installations médicales jamais vues auparavant dans aucun Championnat du monde ni Jeux olympiques." "Je serais surpris que l'on ait les mêmes à Tokyo (pour les JO-2020, ndlr)", a ajouté l'ancien double champion olympique du 1500 m.
Le climat est devenu en revanche plus clément en fin de compétition, comme sur le marathon, samedi, couru sous 31 degrés et 45% d'humidité.
Pour le Mondial de football, le problème de la chaleur devrait moins se poser puisque les dates ont été décalées du 21 novembre au 18 décembre 2022 pour éviter la canicule.
. Où sont les fans ?
Images fortes de ces Mondiaux: les épreuves reines du 100 m hommes et femmes se sont disputées devant des sièges vides. Objet de toutes les craintes avant le début de la compétition, l'affluence a été loin d'être au rendez-vous au Qatar et le Khalifa stadium, d'une capacité de 46.000 places, a souvent sonné creux.
Pour atténuer l'impression de vide, surtout pour la retransmission télévisée, d'énormes bâches ont même été installées sur la partie supérieure du stade.
Le comité d'organisation s'est justifié en expliquant l'absence de public par la "programmation des finales en fin de soirée pour des impératifs télévisuels", insistant également sur l'impact du blocus diplomatique et économique subi par le Qatar de la part de l'Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, de Bahreïn et de l'Egypte pour cause de liens avec l'Iran, puissance régionale rivale des Saoudiens, et de soutien à des groupes islamistes radicaux. Ce que Doha nie farouchement.
Les trois dernières journées ont cependant connu une nette amélioration, notamment le vendredi 4 octobre, jour de congé hebdomadaire au Qatar, avec en guise de tête d'affiche la star locale Mutaz Essa Barshim. Les organisateurs ont aussi eu la bonne idée de distribuer des billets gratuits pour remplir les tribunes.
Mais selon Simon Chadwick, professeur à l'Université de Salford (Grande-Bretagne) et spécialiste du Qatar, l'essentiel est ailleurs pour le petit émirat gazier, qui est parvenu à démontrer sa capacité à "se rendre visible et important", malgré les tensions avec ses voisins.
En organisant ce genre de grands évènements, le Qatar s'offre "une sorte de protection contre certaines menaces", indique le chercheur.
. Le test de 2022
Après cette répétition en miniature du Mondial de football aux résultats plus que mitigés, le Qatar est désormais condamné à réussir son véritable challenge pour desserrer définitivement l'étau autour de lui.
"Le Qatar marche sur des oeufs. Il est obligé d'organiser correctement la Coupe du monde sinon les instances sportives pourraient très bien dire: +le Qatar, plus jamais+, ce qui le rendrait de nouveau vulnérable sur le plan géopolitique", affirme Simon Chadwick.
Si les températures seront plus douces et les stades forcément beaucoup plus garnis lors du Mondial de football, la question des transports sera cruciale dans ce petit Etat d'une superficie de 11.586 km2 où le trafic automobile peut vite devenir infernal. La pression monte sur les autorités pour ouvrir les 37 stations de métro prévues, alors que seules 13 sont pour l'instant opérationnelles.
Reste aussi à connaître l'impact des enquêtes judiciaires lancées en France sur les conditions d'attribution des Mondiaux d'athlétisme et de la Coupe du monde de football sur lesquelles pèsent de forts soupçons de corruption.