Partager:
Les experts de la police scientifique, qui vont tenter d'identifier les causes du spectaculaire incendie de Notre-Dame de Paris, sont familiers des enquêtes rendues très complexes par les dévastations causées par les flammes.
- L'expertise -
A Paris, le laboratoire central de la préfecture de police a commencé à travailler sur l'expertise incendie dès la fin du XIXe siècle. "C'est l'un de nos coeurs d'expertise", observe son directeur Christophe Pezron.
Ces "experts" peuvent intervenir dès les premières minutes du sinistre, comme ce fut le cas lundi soir à Notre-Dame ou lors de l'explosion de la rue de Trévise à Paris qui a fait 4 morts en janvier. "On a toujours une équipe d'astreinte qui est disponible H24 avec un camion laboratoire et qui part immédiatement", explique M. Pezron.
Cette équipe technique complète le travail de la police judiciaire. Prélèvements, constatations sur les lieux du sinistre, l'objectif est double: "Essayer de déterminer l'origine de l'incendie et comprendre son mode de développement", relate M. Pezron.
Pour Notre-Dame, le travail au milieu des décombres n'a pu encore démarrer en raison des restrictions d'accès au bâtiment dont la structure a été fragilisée par le brasier. Mais en observant, aux côtés des pompiers, le développement de l'incendie durant la soirée de lundi, les "experts" ont déjà glané de précieuses informations pour l'enquête, qui privilégie pour l'heure la piste accidentelle.
- Un travail de fourmi -
"La recherche des causes de l'incendie, le traitement d'une scène d'incendie, c'est ce qu'il y a de plus difficile car on a affaire à une scène détruite par les flammes", relève Dominique Deharo, directeur adjoint du laboratoire de police scientifique (PTS) de Toulouse. "Lorsque vous arrivez sur une scène d'homicide ou un accident, les choses sont généralement en état. Avec un incendie, la scène est en plus modifiée par les pompiers, les secours."
Pour Notre-Dame, "on va fouiller l'ensemble des débris", pronostique M. Pezron. Un travail aussi colossal que méthodique. Véronique Vidotto, chef de la section incendies-explosions du laboratoire de PTS de Toulouse, se souvient ainsi que les lieux de la catastrophe d'AZF en 2001 avaient été découpés en plusieurs zones minutieusement examinés au fil de quatre à six mois de travail de terrain.
"Sur une scène d'incendie, nous allons procéder à des analyses chimiques des débris pour savoir par exemple s'il y avait de l'essence ou des produits inflammables. On peut aussi expertiser tel ou tel matériel électrique. On va chercher à modéliser l'incendie, à reproduire certains comportements du feu pour comprendre comment il s'est propagé au sein d'un bâtiment", explique M. Pezron.
"Il y a quelques années à Paris, il y a eu une série d'incendies de poussettes entreposées dans des halls avec parfois des conséquences dramatiques, nous avons reproduit dans nos installations comment se développait ce type d'incendie et comment cela se propageait à l'ensemble d'un immeuble", poursuit-il.
- Comprendre un lieu -
Même si la tâche parait immense sur un bâtiment aussi vaste que Notre-Dame, "il ne faut jamais s'avouer vaincu", assure Dominique Deharo. Ni avoir d'idée préconçue sur l'origine du sinistre. "Une fois l'origine trouvée, il est important de voir si la propagation du feu colle avec les éléments recueillis", complète M. Deharo.
"Il faut faire l'étude des lieux, essayer de reconstituer le lieu avant le sinistre", relève encore Véronique Vidotto. L'objectif est aussi de décortiquer les faits et gestes qui ont précédé l'incendie. D'où l'importance des auditions menées par les officiers de police judiciaire.
A Notre-Dame, elles ont démarré dans la nuit de lundi à mardi avec les ouvriers participants au chantier au niveau de la toiture. Les enquêteurs doivent réussir à reconstituer les activités dans la cathédrale dans les heures, voire les jours qui ont précédé le sinistre.
"Les enquêteurs nous apportent des renseignements mais nous leur apportons aussi des éléments permettant d'étayer leurs auditions avec un prisme technique", complète Mme Vidotto.