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Drapeaux américains, vestes en cuir et casques rutilants, des dizaines de milliers de motards anciens combattants ont défilé dimanche à Washington sous les applaudissements, pour rendre hommage aux soldats portés disparus avec un même mot d'ordre depuis trente ans: "Nous n'oublierons jamais".
"C'est grisant. Tout le monde est tellement heureux de nous voir", confie Keith Gonzales en fin de parcours, près du monument rendant hommage au président Lincoln, au coeur de la capitale américaine.
Casquette, jean, T-shirt et veston en cuir noir orné de patchs colorés, l'énergie de cet ancien du Vietnam de 64 ans au rire facile ne laisse rien deviner des traumatismes de cette longue guerre achevée en 1975.
"Quand on est revenus du Vietnam, on n'a pas eu ce type de réaction alors ça fait du bien aujourd'hui", explique-t-il à l'AFP.
"C'est très fort. J'avais la gorge nouée en roulant parce que l'Irak et l'Afghanistan n'ont pas été très populaires non plus. Alors voir les citoyens Américains debout dans la rue (...), ça fait vraiment du bien", renchérit à ses côtés Doug Torres, 54 ans, qui a combattu dans ces deux pays.
Agitant des fanions aux couleurs de l'Amérique, Shayla Mathei et Chaz Stamps applaudissent et encouragent le cortège pétaradant.
Robe, short, baskets et pas un centimètre de cuir en vue: ces quadragénaires venus de San Diego, en Californie, pour le week-end sont loin de "l'uniforme" des bikers qui défilent devant eux, mais ils les soutiennent chaleureusement.
Lui est un ancien de la marine américaine, elle est orthophoniste. "Nous sommes là pour montrer notre patriotisme", explique cette dernière, Shayla Mathei. "Ca me rend fière et c'est bien d'honorer ceux qui ont servi notre pays".
Honorer les disparus mais aussi les soldats qui ont péri sous le drapeau américain, c'est l'objectif de ce rendez-vous baptisé "Rolling Thunder", qui fut aussi le nom d'une opération de lourds bombardements américains contre le Vietnam du Nord.
Lancé en 1988 avec moins de 3.000 participants, le cortège rassemble désormais chaque année plusieurs dizaines de milliers de motards qui traversent le centre de Washington autour du parc du Mall et son célèbre mur marqué de près de 60.000 noms de soldats américains morts durant la guerre du Vietnam. Avec en tête un même mot d'ordre: "Nous n'oublierons jamais".
En ce dimanche, une file plus longue que d'ordinaire mêlant vétérans, jeunes couples et enfants serpentait le long du mur en granit noir.
- "Ramener tout le monde" -
Depuis la Première Guerre mondiale, les corps de plus de 85.000 soldats américains n'ont jamais été retrouvés, selon les organisateurs de la manifestation.
"Il y a encore des familles aux Etats-Unis qui attendent sans savoir où sont leurs pères, leurs frères. Ils ne savent pas s'ils sont encore au Vietnam, s'ils sont encore vivants, morts ou capturés", explique à l'AFP Jack Richardson, qui, à 73 ans, a traversé pour la 13e fois cette année les Etats-Unis depuis la Californie pour le "Rolling Thunder". "Nous continuerons à rouler tant que nous n'aurons pas ramené tout le monde à la maison."
A 76 ans, Mel Goudge a lui entrepris pour la première fois la traversée longue de dix jours depuis l'Etat de Washington, sur la côte Ouest. Une expérience "difficile" mais que cet ancien combattant du Vietnam tenait à accomplir.
"C'est un pèlerinage", explique-t-il. "J'ai grandi avec un ami qui vivait de l'autre côté de la rue et il a été abattu en 1968, le 25 novembre, alors j'avais besoin d'aller jusqu'au mur et de toucher son nom".
Si la plupart des participants se refusent à parler politique pour mettre en avant leur simple "patriotisme", Donald Trump s'était trouvé en terrain conquis lorsqu'il était venu les voir en pleine campagne électorale, en 2016.
Le président américain a d'ailleurs tweeté dimanche son enthousiasme. "Fantastique d'avoir 400.000 HOMMES ET FEMMES FANTASTIQUES au Rolling Thunder à Washington montrant leur patriotisme. Ils aiment notre Pays, ils aiment notre Drapeau, ils défendent notre Hymne National!"