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Les Belges se demandent à quoi ressembleront leurs vacances? Si les citoyens sont tracassés, les agences de voyages ne sont pas en reste. Le tourisme est l'un des secteurs les plus gravement touchés par la crise due au coronavirus. Nous avons d'ailleurs reçu de nombreux témoignages d'employés ou de responsables d'agences. "Il serait intéressant de parler des petites et moyennes agences de voyages qui vont perdre une partie des revenus de 2019, qui auront des pertes en 2020, une année sans revenus en 2021 à cause des bons à valoir et qui ne pourront faire des bénéfices qu'en 2022... si tout va bien", nous écrit notamment Leslie via le bouton orange Alertez-nous.
Les agences travaillent à perte
Certaines d'entre elles ont rouvert leurs portes le 18 mai lors de la phase 2 du déconfinement. "Il y a différents business-model dans le monde des agences de voyages", nous explique Anne-Sophie Snyers, Secrétaire Générale de l'Union Professionnelle des Agences de voyages (UPAV). "Il y a des agences de 'quartier' comme on pourrait les appeler avec leur clientèle fidèle. Celles-ci ont décidé de rouvrir le 18 mai. Elles se disent assez contentes de l'avoir fait. Ce sont des agences qui ont une population un peu plus âgée et qui est donc ravie d'avoir des contacts avec leurs conseillers voyage. C'était important de rouvrir ces agences pour montrer qu'elles vivaient encore". Souvent, elles n'ouvrent pas toute la journée, travaillent sur rendez-vous ou à bureau fermé. "Les autres agences ont décidé de ne pas encore rouvrir. Elles estiment ne rien avoir à vendre pour le moment. Elles travaillent à bureau fermé, pour des bons à valoir et des annulations et ont mis une partie de leur staff en chômage économique". En résumé, les agences travaillent à perte en ce moment. De son côté, l'UPAV s'attend à une réouverture complète pour la mi-juin, pas avant.
"Nous avons établi trois phases pour cette crise"
Le manque à gagner se chiffre à plus de 2 milliards d'euros pour le secteur en Belgique. "Nous avons établi trois phases pour cette crise", précise Anne-Sophie Snyers. "La première va de janvier à mars, qui est une période de haute réservation. Nous avons subi 25 % d'annulations et 40 % de manque à gagner. La deuxième, d'avril à juin. C'est la période de confinement. Vous pouvez vous en douter, on est à 100 % d’annulations et de manque à gagner. La troisième, enfin, de juillet à décembre. C'est une phase de 'restart'. On estime à 56 % le manque à gagner parce que certaines destinations seront fermées ou auront une offre limitée au niveau de l'hôtel, de l'aérien ajouté à cela que les gens auront peur de voyager. On a également 25 % d'annulations pour les voyages de juillet à décembre".
Les bons à valoir, véritable "bombe à retardement"
Pour limiter la casse, le gouvernement a validé mi-mars le principe du "bon à valoir" pour remplacer les voyages annulés. Cette solution était demandée par le secteur... malgré tous les risques qu'il comporte. "C'est une super initiative qui a permis de ne pas faire fermer les portes des agences", estime Anne-Sophie Snyers. "Mais c'est une mesure temporaire. Il s'agit d'une bombe à retardement. Car les voyageurs pourront les utiliser l'année prochaine. Donc, on va perdre une grosse partie de nos chiffres d'affaires futurs. Il y a au total plus de 286 millions d'euros de bons à valoir émis pour le moment. Ils seront soit utilisés lors de la 3e phase, soit en 2021. Ce qui aura un impact considérable. On s'attend à ne pas avoir de chiffre d'affaires en 2021, voire 2022". La crainte de Leslie est donc bien réelle.
Voyages uniquement en Europe?
Lueur d'espoir, et encore: ces derniers jours, l'Italie, l'Espagne, la Grèce et Chypre ont décidé d'ouvrir leurs frontières aux touristes au mois de juillet. La France, elle, doit se prononcer à la mi-juin. "Il y a eu un certain emballement sur la réouverture des frontières. Le sentiment aujourd'hui, c'est qu'on va pouvoir voyager dans l'espace Schengen (les pays européens qui autorisent la libre circulation des personnes et harmonisent les contrôles des voyageurs en leur sein, ndlr). Mais il faudra avoir la validité de sortir de son pays. On attend la décision du Conseil National de Sécurité du 3 juin avec impatience", indique Anne-Sophie Snyers. En revanche, il y a peu d'espoir de sortir d'Europe. La Tunisie, la Turquie, le Maroc ou l'Égypte ne seront sans doute pas accessibles cette année.
"Je ne pense pas que les prix grimperont"
Il vaut donc mieux encore attendre un peu avant de réserver ses vacances. C'est le conseil qu'a donné Benoît Dieu, président de l'UPAV, il y a une semaine. "C'est peut-être encore un peu tôt, puisqu'on n'a aucune consigne de la part du gouvernement par rapport à la réouverture des frontières. Il faut sans doute attendre un peu qu'on ait une information". Bonne nouvelle pour les touristes: les prix ne devraient pas grimper. "Je ne pense pas", indique encore Benoît Dieu. "Il faut quand même comprendre qu'aujourd'hui le secteur est totalement sinistré en Europe. Il va falloir relancer la machine. Il faut que les clients puissent partir également. Les prix vont sans doute être très compétitifs".
Ce qui, en conséquence, ne fait pas les affaires des plus de 1.700 agences de voyages en Belgique. Sans amélioration, nombre d'entre elles devront mettre la clé sous la porte.