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Adepte de la ligne dure de FO, Pascal Pavageau, qui a démissionné mercredi à la suite de révélations sur un fichier controversé, avait fait de son ascension au sein du troisième syndicat français un projet de vie, mais sera resté à peine six mois à sa tête.
Cet Orléanais de 49 ans, élu sans surprise en avril lors d'un congrès électrique de Force ouvrière, avait préparé son projet de longue date.
C'est dès 2011 que cet ingénieur issu de la fonction publique annonce à Jean-Claude Mailly son intention de se porter candidat à sa succession.
A l'époque, le numéro un de FO, qui n'a jamais porté dans son cœur son futur successeur, caresse l'espoir de passer le relais à un proche, Stéphane Lardy, qui y renoncera finalement.
Pendant sept ans, Pascal Pavageau sillonne la France pour préparer son élection comme secrétaire général et rassembler les troupes d'un des syndicats les plus hétéroclites du paysage français, constitué d'anarchistes, de trotskistes, de "réformistes", de francs-maçons, mais aussi d'autant de sympathisants du parti socialiste que de droite ou du Rassemblement national.
Dès son élection, il s'évertue à prendre de la distance avec Jean-Claude Mailly -- les deux hommes ne se parlent plus depuis mars --, dont il critique la ligne trop molle, notamment son refus de se mobiliser dans la rue contre les ordonnances réformant le Code du travail. Il répète à l'envi que lui n'est adhérent à aucun parti, mettant ainsi fin à une tradition où les dirigeants de FO étaient tous encartés au parti socialiste, Jean-Claude Mailly compris.
Il multiplie aussi les prises de position très critiques contre le gouvernement, et en particulier la politique "du chacun pour soi" d'Emmanuel Macron. La veille de la révélation du Canard enchaîné sur le fichier controversé, il dénonçait ainsi "la vision sans valeur républicaine" du président de la République.
- 'Seigneur des anneaux' -
Le leader syndical tranche également avec son prédécesseur en s'alliant dès son arrivée avec la CGT, la "sœur ennemie" de FO, avec laquelle sont organisées deux manifestations, l'une en été, l'autre en octobre.
Cet homme prolixe, au phrasé rapide, légèrement nasillard, tente aussi de trouver des convergences avec les autres syndicats, y compris avec son homologue de la CFDT, en vain. Laurent Berger est d'ailleurs le seul leader syndical à être sorti de la réserve pour l'inciter "à partir".
Réputé intelligent, fin connaisseur des dossiers, Pascal Pavageau n'aura eu de cesse de jouer les rassembleurs: il a été à l'origine d'une réunion inédite cet été des numéros un des organisations syndicales et patronales.
Son histoire avec FO commence en 1990. Il est alors étudiant à l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTE), où FO occupe une confortable première place. L'étudiant y crée une section pour les élèves et ne quittera plus le syndicat, qu'il loue pour son "indépendance".
Fonctionnaire d'État depuis 1994, l'ingénieur se spécialise dans les questions d'environnement et de développement durable, des sujets qu'il portera au sein de son syndicat.
Débutant sa carrière professionnelle comme chef de la police de l'eau au sein des préfectures du Nord et du Pas-de-Calais, il a ensuite dirigé une unité territoriale de la navigation, avant de rejoindre la direction régionale de l'Environnement de la région Centre. A partir de 2004, il est détaché du ministère de l'Écologie pour assurer ses fonctions syndicales.
En 2007, il mène la fronde contre la Révision générale des politiques publiques, initiée sous le quinquennat Sarkozy.
Fan de métal et du "Seigneur des anneaux", il n'avait pas hésité à puiser dans les répliques de la trilogie lors de son premier discours de secrétaire général de FO.
Six mois plus tard, dans sa lettre d'adieu aux militants, teintée d'amertume, il se définit comme quelqu'un qui a revendiqué "chaque jour de (sa) vie", et révèle au passage que sa directrice de cabinet, Cécile Potters, à l'origine du fichier révélé par le Canard, est aussi sa compagne.