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Pour leur réouverture, les puces de Saint-Ouen font grise mine

Les allées sont inhabituellement clairsemées pour un samedi: sur le célèbre Marché aux puces de Saint-Ouen, antiquaires, brocanteurs se réjouissent de la réouverture du "plus grand grenier du monde" mais ne sont font guère d'illusions en l'absence de la clientèle étrangère.

Sur une commode hollandaise du XIXe siècle, Bruno Le Yaounac, a mis en évidence une bouteille de gel hydroalcoolique. En attendant les premiers chalands, l'antiquaire met un coup de chiffon dans sa boutique après deux mois de fermeture.

"J'ai eu le covid, je ne suis pas mort alors tout va bien", déclare avec philosophie le collectionneur. "Mais ça va être compliqué, on va souffrir, notre chiffre d'affaires se fait à l'export. Il faut le retour des étrangers", estime Bruno Le Yaounac, antiquaire depuis 25 ans.

A quelques mètres de son stand, Alain prend l'apéro sur "une table Renaissance": de toute façon, pour l'instant son quota de clients est toujours à zéro, "inhabituel pour un samedi".

Avec ses 5 millions de visiteurs par an, le Marché aux Puces de Saint-Ouen, situé aux portes de Paris, est l'un des sites les plus visités en France.

Le préfet de Seine-Saint-Denis a autorisé vendredi sa réouverture après des demandes répétées de la part des commerçants. Les boutiques doivent désormais respecter "un protocole sanitaire" et "l'interdiction des déballages en dehors des boutiques, sous peine d'amende", précise la préfecture.

"C'est illogique de ne pas pouvoir déballer sa marchandise à l'extérieur, en plein air. La préfecture préfère qu'on reste entassé à l'intérieur dans des petits espaces", peste Hervé Goasgen, chineur depuis 1991.

D'autant qu'à quelques mètres, une petite partie des puces est gérée par la préfecture de police de Paris qui elle, autorise le déballage des produits à l'extérieur.

- 40% de clientèle étrangère -

"A Saint-Ouen, il y a plus de risques? Je ne comprends pas", s'énerve Patrick face aux policiers venus contrôler son stand. Le commerçant n'en démord pas et refuse de ranger ses portants de vêtements dans sa petite boutique qui peut accueillir un maximum de trois personnes avec les restrictions sanitaires. "Autant mettre la clé sous la porte et que je ne revienne plus travailler".

Pour les près de 2.000 personnes qui travaillent aux puces, le confinement a été un "coup dur".

"C'est un métier de passion, 80 % vivent en dessous du Smic", explique Albert Rodriguez, le président du Marché aux puces de Saint-Ouen (Map). "Certains ont bénéficié d'aides gouvernementales mais beaucoup sont de petits retraités qui touchent 600 euros et viennent travailler pour compléter leurs retraites et n'ont pas le droit aux aides".

Et les perspectives d'avenir sont troubles pour les commerçants. "Plus de 40% de la clientèle des puces est étrangère" notamment américaine, russe et japonaise, indique le président du Map.

Avec la fermeture des frontières, "tous les amateurs d'art sont frustrés, on est le plus grand grenier du monde", déclare Jean-Cyrille Boutmy, propriétaire des marchés Paul Bert Serpette, l'un des plus importants des puces.

En attendant le retour physique des clients étrangers, les échanges commerciaux se font par internet.

Ainsi, en postant des objets sur sa page Instagram, Bruno Le Yaounac a vendu des pièces pour 10.000 euros.

Monique, 75 ans, "brocanteuse depuis toujours" continue de chiner pour une cliente américaine de Caroline du Nord. "Je ne sais pas quand elle va pouvoir récupérer ses objets", dit-elle.

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