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Pressée par la société civile d'augmenter sa contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, la France a tenté mercredi de resserrer les rangs autour d'un objectif de levée de fonds difficile à boucler.
Devant quelque 700 participants à une conférence de deux jours convoquée à Lyon pour faire le point sur le financement du Fonds ces trois prochaines années, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a exhorté ses contributeurs à "envoyer un signal fort".
"Nous tous, États, entreprises, chercheurs, ONG, citoyens avons aujourd'hui la responsabilité d'intensifier nos investissements", a lancé Mme Buzyn, alors que le budget pour l'exercice 2020-2022, fixé à 14 milliards de dollars, pourrait ne pas être atteint jeudi lors de son annonce par le président Emmanuel Macron devant une dizaine de chefs d'État et de gouvernement.
L'association Aides a assuré mercredi que ce plancher demeurait lointain, estimant le déficit de dons entre 200 et 500 millions.
"On est un peu inquiets, voire en colère, car malgré tous les efforts de la société civile, des associations et des ONG pour que ce sommet soit un succès, l'objectif des 14 milliards ne semble pas atteignable", a affirmé à l'AFP Aurélien Beaucamp, président d'Aides.
Un collectif de 12 organisations de la société civile, dont Aides, Oxfam, Solidarité Sida ou Sidaction a ensuite appelé dans un communiqué à "une augmentation de la contribution française d'au moins 25%".
Cette hausse, qui correspond à 270 millions de plus par rapport aux 1,08 milliard actuellement versé par la France, constitue selon le collectif le seul moyen d'atteindre dès jeudi le but fixé.
Lors de l'assemblée générale de l'ONU, le président français avait repris à son compte l'objectif des 14 milliards, mais l'Élysée a reconnu cette semaine que toute "augmentation importante au-delà des 12,2 milliards de dollars" - récoltés il y a trois ans lors de la dernière conférence de refinancement - "sera considérée comme un succès".
Interrogé par l'émission Quotidien de TMC, Emmanuel Macron a indiqué que la France "continuera non seulement à être un grand donateur mais qu'elle augmentera son engagement". Elle restera le deuxième contributeur du fonds, a-t-il assuré sans donner de chiffres.
Jugeant l'objectif de 14 milliards "très ambitieux", le milliardaire Bill Gates a toutefois tablé devant la presse sur une "augmentation conséquente de plus de 10%" par rapport au 5e exercice, ce qu'il considérerait comme "une grande réussite".
Premier contributeur privé à l'organisme via sa fondation, il a déjà annoncé que son apport pour le nouvel exercice passerait de 600 à 700 millions de dollars.
- "A la hauteur" -
Au cours de cette première journée, tous les acteurs ont fait écho au mot d'ordre de la conférence: "Accélérer le mouvement".
En ouverture, le directeur exécutif du Fonds mondial Peter Sands a souligné les "énormes progrès" réalisés dans la réduction des décès de ces trois pandémies.
Le Fonds revendique 32 millions de vies sauvées depuis sa création en 2002 et, en 2018, dans les pays où le Fonds mondial investit, 18,9 millions de personnes étaient sous traitement antirétroviral contre le VIH, 5,3 millions étaient testées et traitées pour une tuberculose et 131 millions de moustiquaires ont été distribuées pour protéger les familles du paludisme.
Toutefois, M. Sands a confronté les participants à une alternative, selon lui cruciale, en vue d'éradiquer les trois pandémies d'ici 2030.
"Est-ce qu'on accélère le mouvement ou est-ce qu'on recule face à des adversaires aussi redoutables que le sida, la tuberculose ou le paludisme ? Soit nous gagnons, soit nous perdons. A travers (vos) décisions (...) vous faites ce choix", a-t-il averti.
"Il est nécessaire que des efforts supplémentaires soient fournis par tous", a également insisté à la tribune le président du Burkina-Faso Roch Marc Christian Kaboré. "Nous réussirons ensemble ou nous échouerons tous", a ensuite repris le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
Une quinzaine de pays donateurs ont déjà annoncé leur contribution, permettant d'assurer les trois-quarts du montant visé.
L'atteinte de l'objectif final dépendra des montants engagés par le secteur privé et par la France, un des fondateurs du Fonds, mais qui n'a pas augmenté sa contribution depuis 2010.
"La France sera à la hauteur de son statut de deuxième contributeur historique", avec plus de 4,6 milliards d'euros de dons cumulés depuis 2002, a assuré cette semaine l’Élysée.
L'annonce de M. Macron est prévue jeudi à 09h00.