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Réfugiés Rohingyas: une vidéo révèle la cruauté des passeurs en mer

Sur un bateau rempli de réfugiés rohingyas, on voit un passeur birman frapper sans pitié les passagers : cette vidéo obtenue en exclusivité par l'AFP montre la brutale réalité du trafic dont cette communauté est victime.

Sur ces images rares, filmées avec un smartphone par l'un des passeurs sur le bateau parti en février du Bangladesh vers la Malaisie, on distingue des rangées de migrants assis amaigris, dont beaucoup d'enfants entassés sur le pont et les étages inférieurs en bois.

Une dispute éclate, un trafiquant repousse l'un des membres de cette minorité musulmane, qui fuit les persécutions en Birmanie à majorité bouddhiste, et le frappe avec un cordage.

Il s'empare ensuite de ce qui semble être un fouet et roue de coups un groupe d'hommes torse nus qui essayent de s'enfuir vers un autre pont.

"Ils ont commencé à nous battre parce que nous nous plaignions de la nourriture", raconte à l'AFP Mohammad Osman, 16 ans, qui était sur ce bateau.

"L'équipage nous tombait dessus et nous battait au hasard juste parce qu'on demandait plus de riz et d'eau", poursuit-il lors d'une interview dans le vaste camp de réfugiés de Cox's Bazar sur la côte sud-est du Bangladesh.

C'est son voisin, Enamul Hasan, 19 ans, passager du même bateau, qui s'est emparé du téléphone qu'un passeur a laissé en s'enfuyant.

La vidéo, dans laquelle on peut voir les deux jeunes hommes blottis parmi les réfugiés frappés, a été filmée plusieurs jours avant que ce bateau de pêche en haute mer de 15 m de long transportant quelque 500 réfugiés ne retourne au Bangladesh mi-avril.

Selon ces deux témoins, les images ne représentent qu'un court moment des nombreuses violences subies à bord.

Au cours d'autres incidents, qui n'ont pas été filmés, des réfugiés sont morts sous les coups des trafiquants, affirme Enamul Hasan. "Ils nous ont battus sans pitié, frappant les têtes, déchirant les oreilles, brisant des mains."

Les deux jeunes hommes affirment que 46 personnes sont mortes au cours de la traversée que chacun avait payée environ 2000 dollars et qui devait ne durer qu'une semaine.

L'AFP n'a pas pu vérifier indépendamment ces témoignages mais un troisième survivant les a confirmés.

- "L'enfer" -

Chaque année, des centaines de Rohingyas quittent les camps de réfugiés du Bangladesh, voisin de la Birmanie où l'armée a mené contre eux, il y a trois ans, une répression sanglante, qualifiée de génocide par l'ONU.

Mais au cours de leur voyage désespéré, souvent vers la Malaisie pays à majorité musulmane où ils espèrent trouver du travail, nombre d'entre eux trouvent la mort, à cause de la faim, des maladies ou des mauvais traitements infligés par les trafiquants.

Les équipages, le plus souvent birmans, ont peu d'empathie pour les Rohingyas à qui ils veulent extorquer le plus d'argent possible, selon de nombreux témoignages.

Plus de 200 ont péri en mer cette année, selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

Sur ce bateau, les passagers ont résisté. "C'était une question de vie ou de mort", dit Enamul Hasan.

Survivant à peine avec une poignée de riz et un peu d'eau par jour et par personne, certains ont supplié d'être déposés à terre, raconte-t-il.

"Mais les trafiquants (...) disaient qu'aucun pays ne voulait de nous. Ils assuraient qu'ils nous tueraient si on continuait de parler", poursuit-il. "Nous avons compris que si cela continuait, nous allions mourir. Nous devions faire quelque chose. Ca ressemblait à l'enfer."

Les passagers ont alors attaqué les trafiquants, menaçant de les "tuer" s'ils ne les déposaient pas à terre. L'équipage a menacé en retour de mettre le feu au bateau, relate-t-il.

Finalement, quelques jours plus tard, une petite embarcation est apparue et tous les trafiquants sont partis sauf deux. "Deux jours après, ils nous ont ramenés au Bangladesh avant de s'enfuir" à leur tour.

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