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Six mois après la cacophonie sur l'âge de départ, le gouvernement se divise à nouveau sur la "clause du grand-père" qui consiste à n'appliquer la réforme des retraites qu'aux futurs travailleurs, signe d'une fébrilité croissante à l'approche de la grève du 5 décembre.
Officiellement "il n'y a pas de divergence de ligne à l'intérieur du gouvernement", selon sa porte-parole Sibeth Ndiaye.
L'exécutif vient pourtant de donner une nouvelle démonstration de ses désaccords sur la réforme des retraites, après l'épisode de l'âge de départ au printemps.
Une première manche remportée par Jean-Paul Delevoye, qui avait obtenu que l'âge légal soit maintenu à 62 ans dans le futur "système universel" promis par Emmanuel Macron en lieu et place des 42 régimes existants.
Cette fois, l'objet du cafouillage est la "clause du grand-père": le chef de l'État y songe pour ménager les régimes spéciaux, notamment la SNCF et la RATP, où se profile une grève massive. Après SUD et l'Unsa, la CGT, premier syndicat de la SNCF, a rejoint l'appel à un mouvement reconductible à partir du 5 décembre contre la réforme.
Mais pour M. Delevoye, le recours à la "clause du grand-père" est "impossible ! Si on (le) fait pour une profession, il faut (le) faire pour tout le monde, question d'équité, ça veut dire que l'on renonce à la réforme", a-t-il déclaré mercredi au Parisien, déclenchant l'ire de ses supérieurs.
Le haut-commissaire a rapidement eu droit à un recadrage du Premier ministre, dont l'entourage confirme qu'"ils se sont eus au téléphone pour une mise au point, pour rediscuter la position du gouvernement". "Tu ne peux pas fermer des portes qui font partie de la concertation", explique un acteur proche du dossier.
Un message bien reçu par Jean-Paul Delevoye. "Le débat est clairement ouvert: il n'est pas tranché et sera tranché en son heure (...). La décision politique appartient au président de la République et au Premier ministre et elle s'impose à tous", a-t-il déclaré vendredi en marge d'un déplacement dans le Pas-de-Calais.
"Les contributions que j'ai apportées sont des réflexions pour alimenter le débat. C'est une position personnelle, que j'estime nécessaire pour nourrir le débat", a-t-il ajouté.
- Relations "très tendues" -
Le chef de l'Etat a déjà prévenu qu'il irait "au bout de cette réforme" mais aussi qu'il ferait "tout pour qu'il n'y ait pas de blocages".
D'où l'idée de la "clause du grand-père", qui consiste à n'appliquer la réforme qu'aux jeunes qui entreront sur le marché du travail après le vote de la loi.
"Je comprends tout à fait quelqu'un qui est à EDF, à la RATP ou à la SNCF, qui a 48 ou 50 ans, et qui proteste. (...) Il est rentré avec un pacte avec la nation, on lui a dit: +vous allez travailler dans cette entreprise, voilà vos droits+. Sans doute il ne faut pas tout bousculer pour lui", avait reconnu M. Macron fin octobre.
Mais la CFDT, seule grande centrale syndicale à soutenir la réforme, émet déjà des réserves sur cette clause qui renverrait la réforme, et ses possibles avancées, aux calendes grecques.
"Si (c'est) juste (pour) les nouveaux entrants, ça veut dire que les femmes, il faut qu'elles acceptent encore pendant une quarantaine d'années d'avoir une retraite en moyenne inférieure de 30% à celle des hommes", a expliqué vendredi son secrétaire général, Laurent Berger.
M. Delevoye défend pour sa part "des chemins de convergence", profession par profession, avec des transitions étalées "sur 15 ou 30 ans".
Mais dans la majorité, le haut-commissaire a perdu de son crédit et certains évoquent déjà ouvertement sa démission.
"Je ne vois pas comment il peut rester au gouvernement", estime un député LREM, pour qui "il y a deux lignes au gouvernement: ceux qui sont pour la clause, et ceux qui sont contre. Donc il y en a bien un qui va finir par devoir avaler une couleuvre".
Selon un autre parlementaire, les relations entre le Premier ministre et le haut-commissaire "sont très tendues depuis quelques mois". Et d'ajouter: "il faut tenir Delevoye jusqu'au 5 décembre".