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Michel-Ange en rêvait, Olivier Grossetête l'a fait: l'artiste marseillais a jeté un pont... en carton sur le Tibre, à Rome, pour relier les jardins de la Villa Farnesina au palais Farnèse, splendide édifice Renaissance qui abrite l'ambassade de France.
L'ouvrage de 18 mètres suspendu par trois ballons de six mètres de diamètre gonflés à l'hélium a été inauguré mardi soir en présence de la maire de Rome, Virginia Raggi, et de l'ambassadeur de France, Christian Masset.
Il permettra pendant quelques jours d'enjamber symboliquement le fleuve et de faire communiquer les deux palais de l'auguste dynastie romaine: sur la rive gauche, le palais Farnèse, sur la rive droite, la Villa Farnesina.
Dès le 8 juillet, des dizaines de petites mains ont commencé à assembler les différentes parties du pont, qui sera démonté le 18 et dont les composants seront recyclés. Ce chantier éphémère dans la Ville éternelle est participatif: 120 personnes, enfants, parents, étudiants, jeunes et moins jeunes ont mesuré, découpé, collé, scotché...
Olivier Grossetête est passé maître dans l'art de suspendre des structures éphémères monumentales. En 2019, il rendait hommage à un autre génie italien, Léonard de Vinci, en installant un pont... en carton au pied du château d'Amboise (Indre-et-Loire, centre de la France).
"Le défi technique ici c'est de suspendre le pont au-dessus d'un fleuve, c'est-à-dire au dessus du courant. Et le vent, c'est mon angoisse", a expliqué l'artiste à l'AFP.
- Le rêve de Michel-Ange -
Michel-Ange avait imaginé un passage entre les deux résidences romaines de la famille Farnèse mais le projet, complexe et coûteux, avait été abandonné après la mort du pape Paul III (1534-1549), né Alexandre Farnèse en 1468.
Ce chantier s'inscrit dans le cadre des grands travaux de rénovation du palais Farnèse, en particulier les façades intérieures et la couverture.
Situé dans le coeur historique de la Ville éternelle à deux pas de la place Campo di Fiori, le palais Farnèse fut commandé par Alexandre Farnèse et confié à l'architecte Antonio da Sangallo le jeune, puis poursuivi par Michel-Ange jusqu'à la mort du pontife.
Richement meublé, adorné de tableaux, de sculptures et de tapisseries exceptionnels, le palais abrite deux lieux d'une singulière beauté: la galerie des Carrache, ensemble de fresques sur les amours des dieux inspirées de Raphaël et de Michel-Ange, et la Salle des Fastes, dont le plafond à caissons et les fresques de Salviati servent de cadre au bureau personnel de l'ambassadeur.
- Un pont entre la France et l'Italie -
La France avait acheté le palais en 1911. Un affront pour Mussolini qui le récupéra mais le laissa en usufruit à la France en signant en 1936 un bail emphytéotique de 99 ans pour la somme symbolique d'une lire par an moyennant... le coûteux entretien du bâtiment.
Quant à la villa Farnesina, à l'origine Palais Chigi conçu par Baldassarre Peruzzi et décoré par Raphaël et son école, elle est acquise vers 1580 par... Alexandre Farnèse lui-même, qui lui donne son nom. La villa abrite aujourd'hui l'Académie des Lyncéens, la plus ancienne académie scientifique d'Europe.
Le pont revêt aussi un caractère symbolique de concorde franco-italienne après des années de tension entre Paris et Rome qui avaient culminé en février 2019 avec la rencontre entre le vice-Premier ministre italien Luigi di Maio et des Gilets jaunes, conduisant Paris à momentanément rappeler son ambassadeur.
"La visite d'Etat extrêmement réussie du président [italien Sergio] Mattarella [la semaine dernière à Paris] a montré la force de l'amitié et ce pont est là pour le rappeler. Si le pont est éphémère, l'amitié est indestructible", a déclaré à l'AFP Christian Masset.