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La Cour pénale internationale (CPI) a donné jeudi son feu vert à une enquête sur les crimes présumés commis contre la minorité musulmane rohingya en Birmanie, pays confronté à une pression juridique croissante à travers le monde.
Les juges de la Cour, chargée de juger les pires atrocités commises dans le monde, ont donné leur aval à la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, pour mener une enquête approfondie sur les actes de violence et la déportation alléguée de cette minorité musulmane, qui pourrait constituer un crime contre l'humanité.
En août 2017, plus de 740.000 musulmans rohingyas ont fui la Birmanie, majoritairement bouddhiste, après une offensive de l'armée en représailles d'attaques de postes-frontières par des rebelles rohingyas. Persécutés par les forces armées birmanes et des milices bouddhistes, ils se sont réfugiés dans d'immenses campements de fortune au Bangladesh.
Mme Bensouda a salué la décision de la Cour, estimant qu'elle "envoie un signal positif aux victimes des atrocités en Birmanie et ailleurs".
"Mon enquête visera à découvrir la vérité", a-telle ajouté dans un communiqué, en promettant une "enquête indépendante et impartiale".
La décision de la CPI intervient après une rude semaine pour le pays de l'Asie du Sud-Est : mercredi, une plainte a été déposée en Argentine concernant les crimes contre les Rohingya en Birmanie, en invoquant le principe de justice universelle. Cette plainte vise notamment l'ancienne icône de la démocratie, Aung San Suu Kyi, cheffe de facto du gouvernement.
La plainte pour torture, disparition et abus sexuels notamment, a été déposée devant un tribunal de Buenos Aires, où la juge Maria Servini doit déjà instruire des plaintes concernant des crimes commis pendant la Guerre civile espagnole (1936-39) et la dictature de Francisco Franco (1939-75).
- Justice internationale -
Lundi, la Gambie, mandatée par les 57 États membres de l'Organisation de la coopération islamique, a entamé une action judiciaire devant la Cour internationale de justice (CIJ) contre la Birmanie pour ses "actes de génocide" à l'encontre de la minorité musulmane des Rohingyas.
La Gambie demande notamment à la CIJ, plus haute juridiction de l'ONU basée à La Haye, d'ordonner à la Birmanie de "cesser ses actes de génocide" et "d'en punir les auteurs". La CIJ devrait tenir des audiences sur l'affaire dans les prochains mois.
De leur côté, les juges de la CPI, également basée à La Haye, ont évoqué des allégations "d'actes de violence systématiques", d'expulsion en tant que crime contre l'humanité et de persécution fondée sur l'appartenance ethnique ou la religion contre les Rohingya.
Bien que la Birmanie ne soit pas un État membre du Statut de Rome, traité fondateur de la Cour, celle-ci s'était déclarée compétente pour enquêter sur la déportation présumée de cette minorité vers le Bangladesh, qui est lui un État partie.
La Birmanie, qui a toujours réfuté les accusations de nettoyage ethnique ou de génocide, avait "résolument" rejeté la décision de la CPI, dénonçant un "fondement juridique douteux".
En septembre 2018, un examen préliminaire avait déjà été ouvert par la procureure, qui avait ensuite demandé l'ouverture d'une véritable enquête, pour laquelle les juges ont donné jeudi leur feu vert.
Les investigations pourraient à terme donner lieu à des mandats d’arrêt contre des généraux de l'armée birmane.
Des enquêteurs de l'ONU avaient demandé en août 2018 que la justice internationale poursuive le chef de l'armée birmane et cinq autres hauts gradés pour "génocide", "crimes contre l'humanité" et "crimes de guerre". Des accusations rejetées par les autorités birmanes.