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Le lanceur d'alerte Grigori Rodchenkov, qui a dévoilé un scandale de dopage institutionnalisé en Russie, a déposé plainte lundi à New York contre trois biathlètes et l'oligarque Mikhail Prokhorov qui l'avaient attaqué pour diffamation, selon ses avocats.
Cette plainte pour diffamation est "sans fondement" et "n'a pas vocation à défendre des droits légitimes (des biathlètes russes) mais à punir et harceler le Dr Rodchenkov", expliquent dans un document juridique les avocats du médecin russe qui vit caché aux Etats-Unis depuis 2016.
Ils affirment également que la plainte vise à "le localiser et à mettre en danger sa sécurité".
En réponse, le lanceur d'alerte souhaite que "M. Prokhorov et les plaignants paient des dommages-intérêts à titre punitifs pour envoyer le message que les plaintes vexatoires visant à harceler et punir les lanceurs d'alerte (...) ne seront pas tolérées dans les tribunaux de New York", affirment Jim Walden et Derek Borchardt, les deux conseils de Grigory Rodchenkov.
Ils s'appuient sur la loi locale protégeant les lanceurs d'alerte des "poursuites stratégiques contre la participation publique" ("SLAPP" en anglais).
Ils visent Olga Zaytseva, Yana Romanova et Olga Vilukhina, disqualifiées pour dopage après leur médaille d'argent aux Jeux olympiques de Sotchi en 2014 avec le relais russe, Mikhaïl Prokhorov, l'ancien président de la Fédération russe de biathlon et actuel propriétaire de la franchise NBA des Brooklyn Nets qui a financé la plainte, ainsi que cinq autres individus non identifiés qui ont également participé à cette plainte déposée en février devant un tribunal de New York.
Les trois biathlètes s'estiment diffamées par l'ex-patron du laboratoire antidopage de Moscou et réclament chacune 10 millions de dollars.
Lors d'une conférence de presse, Jim Walden a souligné que son client, s'il était appelé à témoigner, ferait sa déposition "de l'extérieur afin, que les Russes ne puissent pas le trouver".
- Rodchenkov "en sécurité"-
"Nous pensons qu'il est bien protégé et en sécurité", a ajouté l'avocat, qui n'a pas voulu préciser si les mesures de sécurité entourant le médecin ont été relevées après l'empoisonnement de l'ex-espion russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia, début mars en Angleterre.
"Je continue à coopérer avec les autorités pénales et antidopage", a pour sa part affirmé le Dr Rodchenkov dans un message lu par son avocat. "Je continuerai à me battre pour des athlètes propres et des réformes dans le sport, même si des agences internationales tentent désespérément de trouver un moyen de permettre à la Russie de tourner la page".
Le Comité international olympique (CIO) avait sanctionné fin 2017 43 sportifs russes pour dopage en les suspendant à vie des JO et en les privant des médailles obtenues aux Jeux de Sotchi. Mais le Tribunal arbitral du sport (TAS) a annulé les sanctions pour 28 d'entre eux par manque de preuves, et permis à la Russie de récupérer neuf des 13 médailles qui lui avaient été retirées.
Jim Walden a indiqué ne pas chercher le soutien du CIO qui, dénonçant "le deux poids-deux mesures du sport international, l'un pour la Russie et l'autre pour le reste du monde".
L'enquête de l'AMA - qui s'est basée notamment sur le témoignage de M. Rodchenkov - sur un possible système de corruption au sein de la Fédération internationale (IBU), afin de cacher des cas de dopage et protéger les intérêts russes qui a conduit son président Anders Besseberg à quitter ses focntions mi-avril "n'est qu'un premier pas", a assuré l'avocat, affirmant que son client "peut faire tomber des acteurs puissants".
L'histoire du Dr Rodchenkov avait fait l'objet d'un documentaire, "Icare", qui a remporté un Oscar en mars dernier.