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"Tant qu’on a de l’avance en lits on est serein": face à une 2e vague épidémique qui frappe durement la métropole de Saint-Etienne, l’Hôpital privé de la Loire (HPL) a quadruplé sa capacité d’accueil en réanimation et multiplie les transferts de patients Covid vers d’autres régions, en attendant un pic annoncé mi-novembre.
Dans les chambres dédiées aux soins intensifs, le souffle des machines d’oxygénation pulmonaire, moins invasives pour les patients que l’intubation, rythme la matinée d’un tempo faussement tranquille.
Alors que Véronique Angénieux, responsable de l’unité de soins, met en garde sur les croisements intergénérationnels pour éviter la contamination des personnes à risque, un homme de 34 ans entre en réanimation.
Masque à oxygène sur le nez, il est entouré d'une nuée d’infirmières équipées de surblouses bleues qui lui parlent sans cesse à mesure que son lit à roulette est poussé vers ce qui va devenir sa chambre. L’homme sourit péniblement mais son visage fatigué traduit la saturation dont il souffre. "Il est jeune, il faut qu’il passe le cap", glisse à son passage la professionnelle.
Depuis deux semaines, le taux d’incidence dépasse les 1.000 cas pour 100.000 habitants dans l'agglomération stéphanoise, selon les données fournies par Santé publique France, soit le chiffre le plus élevé du pays. Au HPL, principal structure à accueillir les malades les plus graves après le CHU de Saint-Etienne, la vague monte inexorablement.
L’établissement, qui a été relativement épargné au printemps avec 26 décès dus au Covid-19, en comptabilise déjà une trentaine depuis un mois. "Et ce n’est que le début", prévient un cadre.
Pour gérer le flux des malades du Covid, le nombre de lits de réanimation est passé de 8 à 35, parmi lesquels 22 dédiés aux patients du Covid. Des transferts ont eu lieu depuis la mi-octobre, d’abord vers des villes d’Auvergne-Rhône-Alpes moins touchées comme Clermont-Ferrand, puis mercredi vers les régions de l’arc Atlantique.
"Le but est de ne pas se retrouver en situation où on doit choisir de prendre tel ou tel patient, en période de tension maximale. Il faut donc faire de la place", analyse Benoît Crémilleux, anesthésiste en réanimation au HPL.
"Même si on s’est préparé" à ce retour du virus, "sans les transferts de patients, on aurait explosé en vol", affirme Jean-Baptiste Séblain directeur général délégué de l’établissement.
- "On y est" -
Côté équipes, une vingtaine de soignants volontaires sont arrivés ces derniers jours en provenance d’établissements du groupe Ramsay Santé situés dans des territoires plus épargnés par la seconde vague, comme Bourg-de-Péage (Drôme) ou Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).
Dès l’été, un tutorat entre infirmiers a également été mis en place au HPL afin de former aux gestes pratiqués en réanimation pour des professionnels exerçant d’habitude au bloc ou en ambulatoire. L’improvisation due à la surprise de la première vague a laissé place à la préparation méthodique face un ennemi identifié.
Un médecin réanimateur décrit le regain de l'épidémie dans la Loire comme "une marée montante" perçue vers la mi-août, annonçant "une lame de fond propulsée début octobre". C'est à ce moment qu'"il a fallu réunir tout le monde et se dire + ça y est, on y est +", raconte Mme Angénieux, louant la disponibilité des soignants.
La cadre de santé chapeaute près de 150 infirmiers et aides soignants essentiellement affectés aux malades du Covid, un chiffre qui a triplé en quelques semaines. Des praticiens en spécialités déprogrammées au sein de l'établissement sont aussi venus épauler les médecins.
Myriam Mehenni, une infirmière de 23 ans qui a vécu la première vague, sait ce que le retour du virus suppose: "On va devoir prendre sur nous, être confrontés à des patients qui sont isolés".
Les visites interdites depuis quelques semaines dans les unités Covid impliquent de "devoir réconforter les familles, qui au téléphone sont parfois angoissées ou en pleurs parce qu’elles ne peuvent pas être auprès de leurs proches", explique la jeune femme qui voit son horizon bouché par l’épidémie jusqu’à la fin de l’année.
Au HPL, vampirisé par le Covid, seules la cancérologie et les urgences chirurgicales ont été maintenues.