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Rouages essentiels de la réforme du système de santé voulue par le gouvernement, deux négociations sous l'égide de l'Assurance maladie doivent aboutir cette semaine, pour permettre aux médecins de voir plus de patients et les pousser à travailler en équipe.
La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, leur avait laissé jusqu'à "fin avril" pour trouver un accord. L'affaire a été rondement menée: après trois mois de discussions, la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a soumis aux syndicats deux textes, dont l'AFP a obtenu copies.
Le premier, qui sera examiné mercredi après-midi, concerne uniquement les médecins et porte sur les "assistants médicaux" que leur a promis Emmanuel Macron en septembre.
Mi-secrétaires, mi-aides-soignants, ces auxiliaires d'un nouveau genre devront "permettre de libérer du temps médical afin notamment de pouvoir suivre un plus grand nombre de patients", selon le projet d'accord préparé par la Cnam.
Pour dégager ce temps précieux, la Sécu met sur la table une aide conséquente: 36.000 euros la première année, 27.000 euros la deuxième année, puis 21.000 euros à partir de la troisième année.
Une subvention à partager entre deux ou trois médecins, sauf dans les déserts médicaux où les praticiens isolés pourront percevoir la moitié de ces sommes.
Conçu au départ pour les généralistes, le dispositif sera aussi ouvert à certaines "spécialités prioritaires" comme la pédiatrie, la gynécologie ou la dermatologie et, dans les départements "les plus en tension", la cardiologie ou la psychiatrie.
En fonction du nombre de patients vus dans l'année ("file active") ou suivis par les généralistes ("médecin traitant"), des objectifs allant du statu quo à une augmentation de 25% seront assignés à chaque médecin.
"Pendant les deux premières années" toutefois, l'aide sera "intégralement maintenue" même si ces résultats "ne sont pas intégralement atteints".
Le même délai leur sera accordé pour "s'engager dans une démarche d'exercice coordonné", avant que ce critère ne devienne "un pré-requis pour bénéficier de la rémunération" à partir de 2022.
- Carotte ou ordonnance -
Car ces "assistants médicaux" sont en réalité la carotte censée récompenser l'adhésion des médecins au deuxième projet d'accord, qui vise à faire travailler ensemble toutes les professions libérales de santé.
Médecins donc, mais aussi dentistes, pharmaciens, sages-femmes, infirmiers, kinés, biologistes, centres de santé... Une cinquantaine de syndicats et fédérations se prononceront jeudi matin sur ce texte, qui encourage le "déploiement" des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
Il en existe environ 200 aujourd'hui, sortes de réseaux locaux de santé associant des libéraux autour de projets définis en commun, tels que la vaccination ou le maintien à domicile de personnes âgées.
Le gouvernement en veut plus de 1.000 d'ici 2022, pour mailler le territoire et garantir partout l'accès à un médecin traitant et aux "soins non programmés", c'est-à-dire des consultations "le jour même ou dans les 24 heures" afin d'éviter l'engorgement des urgences hospitalières.
Ces deux priorités feront partie des "missions obligatoires" des CPTS, de même que la mise en place de "parcours pluri-professionnels" (personnes âgées, handicapées, sortie d'hôpital) et d'actions de prévention (vaccination, dépistage, addictions).
Pourront s'y ajouter des "missions optionnelles" consistant à réunir les libéraux "pour échanger sur leurs pratiques" ou à "faciliter l'installation" de nouveaux professionnels de santé.
En fonction de la population couverte, chaque CPTS pourra ainsi recevoir jusqu'à 175.000 euros par an pour les plus petites et jusqu'à 360.000 euros pour les plus grandes, dont un gros tiers de "part variable" dépendant de l'atteinte d'objectifs définis au cas par cas avec les agences régionales de santé (ARS).
Si cette formule à la carte ne convainc pas les principaux intéressés, le gouvernement a déjà prévu de contourner l'obstacle: le projet de loi santé voté fin mars à l'Assemblée l'autorise "à prendre par voie d'ordonnance toute mesure permettant de favoriser le développement de l'exercice coordonné".