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Six mois après, le choeur de Notre-Dame contraint à l'itinérance

Répétition générale et dernières vocalises. Ce soir là, la célèbre maîtrise de Notre-Dame, privée de son écrin par l'incendie qui a ravagé mi-avril la cathédrale parisienne, interprète a cappella le "Salve Mater" dans l'église Saint-Étienne-du-Mont de Paris.

"Ça change beaucoup, parce que les voûtes sont immenses à Notre-Dame, il y a 33 mètres de hauteur, donc on était sonorisés. Ici, on ne l'est pas, on n'a pas besoin", explique à l'AFP Marthe Davost, une chanteuse lyrique de 29 ans.

"C'est aussi agréable, on se retrouve avec notre intimité artistique", ajoute cette jeune brune pétillante, avant d'entonner cet hymne grégorien en latin dédié à la Vierge Marie dans l'église nichée non loin de la cathédrale incendiée.

Depuis le feu du 15 avril, ce chœur prestigieux né dans le sillage de la cathédrale au XIIe siècle, a été contraint de chercher refuge dans d'autres sanctuaires parisiens.

Il donnait autrefois près d'un concert par semaine et animait 1.000 offices par an.Désormais, il accompagne les messes dans l'église Saint-Germain l'Auxerrois, toute proche du Louvre, et répartit ses concerts itinérants entre quatre églises de la capitale qui lui ont ouvert leurs portes.

Après le sinistre, "il a fallu qu'on s'attaque rapidement à réorganiser la saison 2019-2020, avec de nouveaux lieux et aussi évidemment s'adapter à la disponibilité de ces lieux, à leur acoustique", souligne Henri Chalet, directeur artistique et chef de chœur principal de la Maîtrise.

Impensable pour lui "d'arrêter de chanter pendant cinq ans" - le délai fixé pour restaurer ce chef-d'oeuvre de l'architecture gothique - sans mettre en péril cette tradition quasi-millénaire.

"Évidemment, c'est un drame qu'on a vécu, maintenant il faut savoir continuer à vivre (...) La cathédrale va rouvrir, mais dans longtemps et il faut que pendant ce temps, notre savoir-faire continue", plaide le chef de choeur.

- "Pas que des pierres" -

Malgré sa détermination, il s'avère pourtant ardu de remplir les travées d'églises moins célèbres que Notre-Dame, qui comptait un public régulier de fidèles mais aussi de touristes venus du monde entier pour visiter le monument.

Moins d'une centaine de personnes ont assisté au concert à l'Eglise de Saint-Étienne-du-Mont. C'est peu au regard des multitudes qui se pressaient pour écouter le choeur dans la cathédrale.

"Il y a moins de touristes, moins de passage. Avant les gens venaient sans trop savoir ce qui se passait et ils écoutaient, là c'est différent, le public est moins nombreux", soupire Clémence Vidal, 25 ans, qui entame sa deuxième année à la Maîtrise.

Marthe Davost abonde. "Maintenant, notre challenge c'est de faire venir le public, parce que c'est vrai que les gens venaient aussi pour l'édifice. Il faut que la Maîtrise continue à rayonner et à faire vivre Notre-Dame en dehors des murs".

De ce pari tenu dépend la survie de la Maîtrise, qui compte 160 membres, mais aussi celle de son école de chant du quartier Latin et ses 35 professeurs.

Financièrement, la situation est "compliquée", reconnaît le directeur artistique. Confronté à une forte diminution des recettes des concerts, le chœur doit aussi se passer de l'appui financier de la cathédrale. Il ne survit que grâce aux subventions publiques (de l'Etat, de la mairie de Paris et du diocèse) et au mécénat privé.

"Du jour au lendemain, la cathédrale ne reçoit plus rien puisque tout ce qui est visite du trésor, de l'église, les ventes de cierges, etc... est réduit à zéro", rappelle Henri Chalet. "Il y a un réel enjeu financier pour nous qui est de retrouver une activité pérenne pendant cette période hors de la cathédrale".

Qu'en est-il des plus de 850 millions d'euros promis par des grandes fortunes, entreprises ou particuliers pour rebâtir le monument ?

"Il y a eu beaucoup de promesses de dons (...) mais la majorité vont à la restauration de l'édifice", affirme le chef de choeur. "C'est important que les gens comprennent que cette cathédrale est vivante et que ce ne sont pas que des pierres (...) Il ne faut pas oublier l'humain derrière tout ça".

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