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"On a tenu bon et on n'a perdu aucune patient de vue", souffle Pedro Serra, responsable d'une unité psychiatrique en région parisienne, à l'issue d'un confinement redoutable entre absence de moyens, patients touchés par le Covid-19 et la privation de visites et sorties pour tous les hospitalisés.
Dans cette petite unité de ville, à Bondy (Seine-Saint-Denis), vingt patients sont restés enfermés, alors qu'ils sont habitués pour la plupart à entrer et sortir librement. Ce sont des patients au long cours ou des personnes en crise qui font des séjours plus courts.
A partir de la mi-mars, ils n'ont plus eu de contacts avec leurs familles, sauf au téléphone, "une souffrance pour beaucoup". Il a fallu changer les habitudes, "nous sommes devenus un service beaucoup plus disciplinaire", raconte à l'AFP le Dr Serra. "Les malades sont habitués à toucher les soignants et le personnel peut parfois prendre un patient dans les bras. Ces contacts ont été bannis. Il a fallu expliquer, répéter, surveiller".
Au début, pas de possibilité de tests, pas assez de masques, de blouses. Ce matériel est arrivé "au compte-gouttes" et tard. "Nous n'avons pas eu de cas tout de suite mais nous avons eu plusieurs malades", touchés par le coronavirus, explique le psychiatre. Fin mars, la situation "est devenues très aiguë".
Les malades ont été pris en charge ailleurs, à l'exception d'un homme, soigné en psychiatrie depuis une quarantaine d'années et "délirant en permanence". Il a été soigné sur place, isolé des autres, afin de lui épargner d'être "exposé à l'étrangeté d'un lieu nouveau".
Les consultations ont continué, "nous avons téléphoné à nos autres patients, confinés chez eux, tous les jours, samedi et dimanche compris. On en a aussi reçu quelques-uns en consultation", raconte le responsable du service, saluant "l'engagement très fort, quasiment militant", des équipes. "Ils ont été courageux, exemplaires", dit-il avec conviction.
Désormais, l'unité a la capacité de tester "les plus fragiles et les patients symptomatiques" et s'organise en vue du déconfinement. Le port du masque s'est généralisé. Dimanche, une première permission a été accordée à un patient testé. "Il va pouvoir déjeuner avec ses parents octogénaires".
Plusieurs patients veulent passer chez eux pour ranger. En période de crise, ils partent vers l'unité psychiatrique en laissant tout en plan. D'autres réclament d'aller chez le coiffeur. "On va pouvoir organiser ça, tout va s'assouplir", note le Dr Serra.