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Les manifestants au Soudan ont affiché mardi leur détermination à obtenir un pouvoir civil, affluant encore plus nombreux devant le QG de l'armée, un jour après avoir réclamé la dissolution du Conseil militaire de transition.
"L'armée va tenter à nouveau de disperser les protestataires car elle est sous pression, mais nous ne comptons pas partir (...) Cela sera peut-être une longue bataille, mais nous devons nous battre pour nos droits", a déclaré à l'AFP Ahmed Najdi, un des manifestants présent devant le siège de l'armée à Khartoum.
Des centaines de professeurs et d'employés de l'Université de Khartoum ont marché du campus vers le lieu du sit-in brandissant des banderoles proclamant: "Nous voulons un gouvernement civil de transition".
La veille, l'Association des professionnels soudanais (SPA), fer de lance de la contestation secouant le pays depuis le 19 décembre, avait demandé pour la première fois que le Conseil militaire de transition soit dissout et remplacé par un conseil civil comprenant aussi des représentants de l'armée.
Elle en a fait une condition à une éventuelle participation à un futur gouvernement de transition.
La SPA a durci le ton lundi après avoir dénoncé une tentative de dispersion du sit-in qui se tient depuis le 6 avril, sans en identifier les auteurs. Elle a appelé à défendre la "révolution".
Mardi, des milliers de personnes ont afflué devant le QG militaire avec un message clair: la destitution jeudi par l'armée du président Omar el-Béchir et les promesses du Conseil militaire d'instaurer un gouvernement civil, sans donner de calendrier, ne suffisent pas.
- Procureur général limogé -
Le rassemblement est toutefois joyeux, des manifestants dansant sur des airs révolutionnaires et distribuant de la viande pour "célébrer la chute de Béchir", a indiqué l'un d'entre eux à l'AFP.
La télévision d'Etat diffuse largement depuis deux jours des images des manifestations, ce qui n'arrivait jamais du temps du président Béchir.
Le Conseil militaire a annoncé avoir limogé le Procureur général, Omer Ahmed Mohamed, une des demandes formulées la veille par les meneurs de la contestation.
Selon des témoins, des véhicules des troupes de la Force (paramilitaire) de soutien rapide -dirigée par Mohamad Hamdan Daglo, chef adjoint du Conseil militaire de transition-, se sont cependant déployés sur le pont reliant le QG de l'armée au nord de la capitale.
Au moins 65 personnes sont mortes depuis le début de la contestation, selon un bilan officiel.
"Nous savons ce qu'il s'est passé en Egypte et nous ne voulons pas que cela nous arrive", a expliqué Ahmed Najdi pour expliquer la mobilisation des manifestants.
En Egypte voisine, Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 30 ans comme l'a été Omar el-Béchir, avait été renversé par une révolte populaire en 2011. Mais en 2013, l'armée alors conduite par le général Abdel Fattah al-Sissi avait renversé le nouveau président élu Mohamed Morsi. M. Sissi est depuis au pouvoir.
- Relations tendues -
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a nommé mardi un émissaire pour le Soudan, l'avocat sud-africain Nicholas Haysom, afin d'aider l'Union africaine (UA) à conduire une médiation dans ce pays.
L'UA a menacé lundi de suspendre le Soudan de l'organisation continentale si l'armée ne quittait pas le pouvoir au profit d'une "autorité politique civile" d'ici 15 jours.
La cheffe de la diplomatie de l'UE Federica Mogherini a de son côté espéré mardi que la transition "portera au pouvoir un gouvernement civil". Londres a apporté son soutien "à l'appel de l'UA pour un retour à un pouvoir civil".
Après des images ces derniers jours de militaires saluant les manifestants, les relations entre l'armée et les contestataires --qui avaient appelé les militaires à se ranger auprès d'eux pour faire partir Béchir-- se sont tendues.
Sur une banderole déployée sur les murs de son siège, l'armée les a d'ailleurs appelé à ne "pas s'approcher".
Si le général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête du Conseil militaire de transition depuis vendredi, a promis "d'éliminer les racines" du régime de Béchir, de nombreux piliers de ce système figurent à ses côtés.
- Décision d'un "gouvernement populaire" -
Amnesty International a appelé l'armée à remettre le président déchu, 75 ans et actuellement détenu par les militaires dans un lieu inconnu, à la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis contre lui des mandats d'arrêt pour "crimes de guerre", crimes "contre l'humanité" et génocide au Darfour.
Après avoir affirmé vendredi qu'il refuserait d'extrader M. Béchir, le Conseil militaire a indiqué lundi soir par la voix du général Jalaluddine Cheikh que la décision "sera prise par un gouvernement populaire élu et non par le Conseil militaire".
L'Ouganda a fait savoir mardi qu'il pourrait "examiner" une demande d'asile de M. Béchir s'il était "approché" à ce sujet.
Depuis 2003, 300.000 personnes ont été tuées selon l'ONU dans le conflit au Darfour, où les violences ont toutefois baissé d'intensité ces dernières années.
Quatorze personnes ont été tuées samedi lors d'affrontements dans un camp pour personnes déplacées dans cette région, selon l'agence de presse officielle soudanaise Suna, qui n'a pas donné de détails sur les circonstances des violences.