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Elle permet grâce à une orgie de pixels de produire des images d'un réalisme époustouflant: la technologie 8K a été présentée au MIPTV, grand-messe des professionnels de la télévision à Cannes, auxquels elle offre de nouvelles possibilités mais au prix de lourdes contraintes.
Développée au Japon où elle sera mise en valeur l'an prochain lors des JO de Tokyo, la 8K est un nouveau standard de télévision offrant 33 millions de pixels, soit 16 fois plus que la HD, et 4 fois plus que son prédécesseur, la 4K.
Ses promoteurs, des fabricants d'électronique asiatiques, sont en train de lancer la commercialisation des premiers téléviseurs compatibles (moins de 20.000 ont été écoulés l'an dernier, d'après le cabinet IHS Markit).
Une première chaîne au Japon
Côté contenus, les choses sont plus avancées : des caméras sont sur le marché depuis quelques années et la NHK, la télévision publique japonaise, a lancé en décembre la première chaîne satellitaire émettant en 8K, 12 heures par jour.
Pour la première fois au MIPTV, marché qui réunit environ 10.000 professionnels sur la Croisette, un florilège de documentaires et autres films tirant parti de cette technologie a été diffusé, sous l'égide de Sony.
Au menu de cette démonstration technologique: une visite époustouflante de réalisme du château de Versailles, un hommage musical au compositeur français Michel Legrand, les éruptions du volcan Krakatoa en Indonésie, une version restaurée et remastérisée de My Fair Lady, le musical de 1964 avec Audrey Hepburn.
Si la 4K est parvenue à s'installer dans de nombreux foyers, grâce à une large diversité de contenus (chaînes de télé proposées par certains opérateurs, disques blu-ray, plateformes de streaming comme Netflix), la 8K aura fort à faire pour convaincre les diffuseurs et les sociétés de production de l'adopter, et son chemin vers les téléspectateurs sera bien plus long.
"Cela prendra du temps, car il faut un grand écran, d'au moins 80 pouces (environ 2 m de diagonale, ndlr), pour apprécier cette technologie", a expliqué à l'AFP Yoshiaki Nakata, qui travaille sur ces questions chez Sony.
Un challenge, notamment au Japon, où la taille exiguë des appartements ne facilitera pas leur adoption.
Il faudra aussi une connexion à très haut débit pour recevoir des programmes et surtout un portefeuille bien garni (avec des prix supérieurs à 10.000 dollars pour un écran de 80 pouces).
Connaitra-t-elle le même chemin que de précédentes "révolutions" autoproclamées par les constructeurs, comme la 3D, coqueluche de l'industrie électronique il y a dix ans, qui a fait un flop?
Convaincre les producteurs
Pour ses promoteurs, le principal défi, pour le moment, est de convaincre la filière audiovisuelle d'adopter cette technologie, pour l'instant cantonnée aux salles de cinéma type Imax ou à la NHK, afin de créer un effet d'entraînement.
D'après la sélection d'oeuvres en 8K présentée à Cannes, ce sont surtout les producteurs et réalisateurs de documentaires et de spectacles, à l'affût des dernières technologies, qui l'ont apprivoisée, non sans avoir à surmonter d'importantes contraintes, comme la montagne de données à traiter et à transférer.
Mais pour les pionniers de la 8K, le jeu en vaut la chandelle.
Le producteur français et ancien présentateur Olivier Chiabodo s'en sert pour "The explorers", un projet d'inventaire de la planète en photos et en vidéos, auquel le public peut participer via une application.
Son équipe a déjà filmé des centaines d'heures en 8K. Selon lui, l'intérêt est de disposer de la qualité d'image la plus élevée. Même si ces séquences sont ensuite exploitées dans des résolutions plus basses (4K, HD...), en fonction de l'écran où elles seront diffusées, elles resteront de qualité supérieure.
"Plus le produit de départ est noble, plus le plat final va avoir de saveur", commente-t-il à l'AFP.
"Nous voulons utiliser le niveau de technologie le plus élevé pour montrer les oeuvres d'art sous leur meilleur jour", abonde Francesco Invernizzi, qui a réalisé avec sa société Magnitudo Film des documentaires en 8K sur Léonard de Vinci.
Keiko Shuto a réalisé pour la NHK un documentaire touristique sur le château de Versailles, qu'on visite comme si on y était.
"Avec la 8K, gérer la lumière et le focus est plus difficile, mais c'est un outil vraiment magique", a-t-elle assuré. "Nous continuons à expérimenter ses possibilités, et je pense que nous pouvons inventer grâce à elle de nouvelles façon de raconter des histoires par l'image".