Partager:
La victoire éclatante de Thibaut Pinot samedi dans le Tour de Lombardie, "un aboutissement" pour le Franc-Comtois, met en lumière les qualités d'un champion naturel au potentiel reconnu et aux fragilités récurrentes dans le Tour de France.
UN POTENTIEL RECONNU
Dès le début de sa carrière, le coureur de Mélisey (Haute-Saône), un village tranquille de la haute vallée de l'Ognon, a été promis aux plus hautes destinées. Ne serait-ce que par ses tests-records pour évaluer la puissance maximale produite.
Avant même son 20e anniversaire, il signe son premier contrat professionnel avec Marc Madiot (2010). Huit ans après, il est toujours dans la même équipe, devenue Groupama-FDJ. L'homme est fidèle et suscite l'attachement et la sympathie, de l'avis de ses proches qui le décrivent farceur, chambreur, autant que distrait et bon vivant.
Quand il est en forme de pointe, le Franc-Comtois n'a que très peu d'équivalents dans le monde. Ses talents de grimpeur s'expriment alors au mieux, plus encore quand les conditions sont mauvaises. Habitué à la météo rigoureuse de sa région, il sait se faire mal, à l'entraînement déjà: "J'ai besoin de galérer dans la neige et le froid, après le vélo c'est plus facile."
La course terminée, Pinot n'a rien de plus pressé que retrouver ses bases. Sa cellule familiale, ses proches et ses animaux. Son étang de quatre hectares, le cadeau qu'il s'est offert avec ses premiers gains importants, à l'opposé du bling-bling habituel des stars en devenir. "C'est plus utile qu'une belle voiture", estime ce pêcheur invétéré qui s'empresse de relâcher les carpes et autres poissons sitôt sortis de l'eau.
ET DES FRAGILITES RECURRENTES
Grimpeur endurant, indifférent au froid et à la pluie (mais pas à la canicule !), le Français a le profil d'un spécialiste de courses par étapes et surtout de grand tour. A ses débuts dans le Tour, en 2012, il a gagné une étape dans l'euphorie de la découverte et pris la 10e place à Paris. Deux ans plus tard, il est même monté sur le podium final (3e). La suite s'est avérée plus douloureuse.
Le compteur est resté bloqué à son deuxième succès d'étape, à l'Alpe d'Huez en 2015. Les médias se sont focalisés sur ses difficultés en descente, largement surévaluées. Même si le Franc-Comtois éprouve une réserve depuis les cadets quand il avait heurté un îlot directionnel, après un écart tardif d'un autre concurrent. "Depuis, il ne fait pas confiance au coureur qui roule juste devant lui", explique Julien, son frère qui est aussi son vigilant entraîneur.
Au fil des ans, un désamour de sa part semble s'être installé, en parallèle avec sa prédilection pour l'Italie et le Giro (4e en 2017). Bien davantage que la pression qui entoure les favoris, le Français se sent peu à l'aise dans le tumulte de juillet. A plus forte raison quand la course impose sa tension durant une longue séquence de plaine.
Enclin au doute, pour peu qu'un pépin de santé l'affecte, Pinot sait pourtant que son accomplissement définitif passe par le Tour, avant le rendez-vous du championnat du monde 2020 auquel il pense déjà.
"En 2019, la priorité sera le Tour", assure Marc Madiot. Si les rumeurs se vérifient, son coureur aura même une étape quasiment à domicile puisque La Planche des Belles Filles, tout près de Mélisey, pourrait se situer dès la première semaine de course.
"Je pense être un grand coureur, mais est-ce que je suis un grand champion ?", s'interrogeait-il au printemps dernier. En avouant, avec la sincérité qui le caractérise: "Cela viendra peut-être un jour mais ce n'est pas l'objectif de ma vie de vouloir remporter à tout prix le Giro ou le Tour. Je fais du mieux que je peux et si ça marche, tant mieux."