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Un an après l'arrêt, le démantèlement de la centrale de Fessenheim en bonne voie

Ils sont penchés sur une passerelle mobile, au-dessus d'un bassin bleu turquoise, dans lequel refroidit le combustible nucléaire: un an après l'arrêt des réacteurs à Fessenheim, les techniciens d'EDF se démènent pour la préparation du démantèlement du site.

Joystick à la main, un opérateur pilote le bras motorisé qui va chercher, dans un alvéole à plusieurs mètres de profondeur, un assemblage combustible, barre de près d'une tonne et 4 mètres de long, renfermant les pastilles d'uranium enrichi.

"C'est une opération très délicate. On manipule de la matière nucléaire, radioactive, il faut être particulièrement attentif", témoigne un ingénieur combustible auprès de l'AFP, à l'intérieur du bâtiment hautement sécurisé.

"Tout se passe de manière immergée: l'eau représente une barrière contre les rayonnements", précise ce quinquagénaire dans sa combinaison de protection blanche. Chaque opérateur est aussi équipé d'un dosimètre, afin de détecter une éventuelle radiation.

Une fois saisi, le combustible est placé dans un conteneur adapté qui sera ensuite fixé sur un wagon et transporté jusqu'à l'usine de retraitement de la Hague, dans la Manche.

Pendant l'exploitation de la centrale, l'opération était réalisée une fois par an, au rythme du renouvellement du combustible usagé. Mais depuis la fin de la production d'électricité à Fessenheim, la cadence s'est accélérée: 15 convois sont prévus en 2021, pour vider la piscine du premier réacteur, et 16 en 2022, pour le second.

"On est parfaitement dans le timing défini", se réjouit Elvire Charre, la directrice de la centrale. "C'est une des opérations majeures en ce moment: pour entrer en démantèlement, il faut avoir retiré le combustible, qui représente 99,9% de la radioactivité du site".

- Gestion des pièces détachées -

Dans la salle des machines se déroule l'autre grande mission technique de cette phase de pré-démantèlement: le démontage des installations non nucléaires, un chantier titanesque de 17.000 heures de travail.

Dans ce vaste batiment, des pièces attendent d'être inspectées en vue d'une éventuelle réutilisation. Deux compresseurs viennent ainsi d'être mis à disposition de la centrale de Bugey (Ain). Un rotor est parti vers le centre de stockage national pour pièces détachées d'EDF, dans l'Oise.

Certains composants n'auront pas cette chance: même parfaitement entretenus, il n'est pas toujours rentable de les envoyer, en convoi exceptionnel, à des centaines de kilomètres. Ils terminent alors leur vie industrielle à Fessenheim, avant d'être recyclés.

"Quand les collègues font partir un composant important vers une autre centrale, c'est une fierté", reconnaît Anne Laszlo, déléguée CFE-CGC énergie. "C'est un peu comme un chirurgien qui va prélever un cœur pour le donner à un jeune et le faire vivre."

D'autres manœuvres peuvent être source de frustration. "Récemment on a donné un gigantesque rotor à un musée. Voir partir comme ça une partie de l'outil industriel, ça fait moins plaisir, c'est un enterrement de première classe", souligne la syndicaliste.

Comme les machines, les salariés quittent peu à peu les lieux. Ils étaient 750 en 2018, il seront moins de 400 fin 2021, et seulement une soixantaine en 2025, date de démarrage du démantèlement. Un plan d'accompagnement social a donc été mis en place.

- "On peut manger par terre" -

"Ce plan, c'est vraiment notre priorité", assure Elvire Charre. "En un an, nous avons trouvé des solutions pour 80 % de nos salariés. Certains ont fait toute leur carrière à Fessenheim, ils sont très ancrés dans la région, ils y ont leur famille, leurs amis, ce n'est pas toujours facile".

Signe de l'attachement des agents à leur métier, une majorité d'entre eux a choisi de rejoindre un autre site du parc nucléaire français. Un quart du personnel prévoit d'intégrer une entité du groupe EDF en Alsace, tandis que le dernier quart partira en retraite.

Les syndicats reconnaissent le "travail remarquable" fourni par la direction pour assurer un avenir professionnel à chacun, même si, pour plusieurs dizaines de cas, une "incertitude complète" demeure.

Au delà des interrogations sur le reclassement, une émotion domine: le "sentiment d'injustice" de devoir fermer un site industriel "en excellent état". Sur les grillages extérieurs, les banderoles, installées lors d'anciennes manifestations, n'ont pas été retirées. "La fermeture anticipée de Fessenheim est une faute historique", proclame l'une d'elle.

"La décision on la respecte, on s'y plie, toujours avec professionnalisme, mais elle génère de la frustration", concède Gérald François, 47 ans, dont 16 passés au service maintenance. "Les installations, internes ou externes, sont nickelles, on peut manger par terre. Et le démontage nous en donne des preuves supplémentaires chaque jour".

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