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La Française Christine Ourmières-Widener, qui doit prendre les manettes de TAP Air Portugal jeudi, aura pour mission de mettre en oeuvre un exigeant plan de restructuration, négocié entre Lisbonne et Bruxelles sur fond de renationalisation et crise sanitaire.
Le choix de la gestionnaire de 56 ans pour le poste de directrice générale sera entériné lors d'une assemblée générale des actionnaires de TAP, prévue dans l'après-midi au siège de TAP, aux abords de l'aéroport de Lisbonne.
Bien qu'elle n'ait pas été le premier choix du gouvernement, selon les médias portugais, Mme Ourmières-Widener compte plus de 30 ans d'expérience dans le secteur aérien, et se présente sur son compte professionnel Linkedin comme une spécialiste "des stratégies d’innovation et d’optimisation".
Après avoir obtenu un master en aéronautique, cette femme originaire d'Avignon, dans le sud de la France, a débuté sa carrière chez Air France, dans le secteur de la maintenance, puis au service commercial.
En 2010, elle a pris la tête de la compagnie irlandaise CityJet jusqu'en 2015, puis elle est passée deux ans plus tard chez Flybe, une importante compagnie régionale qui a déposé le bilan en 2020 avant de retrouver un repreneur.
- Stéréotypes sexistes -
Ayant intégré pendant un peu plus de deux ans la direction de l'Association internationale du transport aérien (IATA), elle est l'une des rares femmes à avoir dirigé des compagnies aériennes, un milieu où selon elle les stéréotypes sexistes sont tenaces.
"Beaucoup d’hommes dans l’industrie pensent que si vous êtes une femme, vous ne connaissez pas vraiment les sujets techniques", avait-elle confié en mars 2019 au site spécialisé FlightGlobal, se définissant comme quelqu'un de "très direct".
Une fois à la tête de TAP, cette mère de famille, sensible à la question de la diversité dans les entreprises, devra "permettre à TAP de devenir rentable", résume l'économiste Joao Duque, professeur de l'Institut supérieur d'économie à Lisbonne.
La responsable française prend ses fonctions dans un contexte plein d'incertitudes, liées non seulement à l'évolution de la pandémie de Covid-19, mais également à la mise en œuvre d'un rigoureux plan de restructuration soumis à Bruxelles en décembre, mais qui n'a toujours pas été validé.
Le plan de sauvetage prévoit notamment la réduction d'effectifs, de plus de 2.000 salariés sur près de 10.000 avant la pandémie, des baisses de salaires ou encore une réduction de sa flotte, d'une centaine d'avions à quelque 88 appareils.
- Echec de la privatisation -
Cette nouvelle étape succède à l'échec de sa privatisation, réclamée par les créanciers du Portugal, l'Union européenne et le Fonds monétaire international, en échange du plan de sauvetage accordé au pays pendant la crise de la dette de 2011.
Un consortium formé par l'homme d'affaires américain David Neeleman et son associé portugais Humberto Pedrosa, a remporté la privatisation et mis en œuvre une stratégie d'expansion financée par des emprunts.
Malgré la forte hausse du nombre de passagers, la compagnie a eu du mal à sortir du rouge et, après un bref retour aux bénéfices en 2017, TAP a subi en 2018 et 2019 des pertes supérieures à 100 millions d'euros.
La situation s'est encore dégradée avec la crise sanitaire, et l'Etat a dû se résoudre à la renflouer via un prêt public jusqu'à 1,2 milliard d'euros. Mais, refusant, les conditions posées par le gouvernement, M. Neeleman a fini par quitter l'actionnariat du transporteur et l'Etat a porté sa participation à 72,5%.
La compagnie, sauvée en urgence l'année dernière, aura besoin d'au moins 2 milliards d'euros jusqu'en 2024, selon les estimations de l'exécutif socialiste.